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Mariage sur l'échafaud

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UN MARIAGE SUR L’ECHAFAUD

 

En 1558, l’on pouvait voir se dresser sur la Grand Place de Bruxelles un échafaud autour duquel la foule se pressait lors des exécutions publiques.

 

Un jour, alors que la cloche de l’église Saint-Nicolas sonnait le glas, l’on se préparait à procéder à l’exécution d’un garçon brasseur que l’on avait condamné pour la perpétration d’un crime odieux. Lequel ? Un meurtre, semble-t-il. Quoiqu’il en soit, le condamné, encore jeune, s’avança bientôt vers le lieu de son supplice attirant sur sa personne les regards apitoyés des badauds. « Quel visage calme et empreint de douceur : il n’est point possible que cet homme ait tué ! Et s’il a tué, ce devait être sous l’emprise de la colère et il doit aujourd’hui amèrement regretter son geste ! Quel dommage de mourir si jeune !», voilà les commentaires que l’on pouvait entendre dans la foule.

 

Le condamné, lui, continuant à marcher vers son destin, monta sur l’échafaud, se confessa au prêtre, s’agenouilla et attendit le coup fatal du bourreau, lorsque soudain, du coin de la place, des cris s’élevèrent et une jeune femme, pleurant et gémissant, surgit de la foule. Elle se jeta à genoux devant les fenêtres de l’Hôtel de Ville où se tenaient les échevins assistants à l’exécution. Les magistrats s’interrogeaient du regard, se demandant à quel privilège ils devaient d’assister à cette scène pathétique, lorsque la jeune femme se rua dans l’Hôtel de Ville et apparut brusquement à leur côté.

 

La foule, quant à elle, restait littéralement pétrifiée, ne sachant que faire ni que penser. Quant au bourreau, il se tenait à présent appuyé des deux mains sur son arme (hache ou glaive), alors que dans les yeux du condamné semblait briller une lueur d’espoir. « Grâce ! » criait la jeune femme à l’attention des échevins. La rumeur s’empara bientôt de la plèbe. L’on prétendait que la jeune femme n’était autre que la fiancée du condamné. Les femmes sentaient des larmes leurs monter aux yeux, alors que les hommes eux-mêmes commençaient à parler d’absoudre le garçon brasseur.

 

Mais, sur ces entre-faits, le bourreau, lui, s’était remis en position et se préparait à porter le coup fatal, lorsqu’il fut interrompu pour la seconde fois par une immense clameur. C’est la foule, cette fois, qui demandait que l’on gracie le condamné en criant « merci, merci ! » (« pitié, pitié », selon l’ancienne formulation). Un magistrat fit un geste pour signifier au bourreau de surseoir à l’exécution –du moins est-ce ainsi que l’on interpréta les mouvements dudit magistrat-, alors que la jeune femme, fendant la foule, volait littéralement jusqu’à l’échafaud et se jetait au cou du condamné.

 

Les magistrats accordèrent la grâce au garçon brasseur mais y mirent cependant une condition, en accord avec le droit de grâce de cette époque : la jeune fille devait prendre le condamné pour époux. Il fut fait ainsi et le prêtre bénit sur le champ cette bien étrange et émouvante union, sous les applaudissements nourris de la foule attendrie.   

 

 

Eric TIMMERMANS.

 

Sources : Légendes bruxelloises, Victor Devogel, TEL / Paul Legrain (J. Lebègue et Cie), 1914 (p. 173 à 178).


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