LA GRANDE HARMONIE
La Grande Harmonie voit le jour en 1811, sous le Ier Empire français (1804-1814). Cette année-là, un groupe d’amis décide de former un orchestre composé d’une quarantaine de musiciens qui prennent leurs quartiers, rue Neuve.
En 1813, la Grande Harmonie est définitivement constituée dans un local de la « Bourse d’Amsterdam », sis rue du Marché-aux-Poulets. L’année suivante la Grande Harmonie s’établit dans la salle dite des « Orfèvres », située rue du Marché-aux-Herbes.
Au lendemain de la bataille de Waterloo (18 juin 1815), la Grande Harmonie se signale par les secours qu’elle apporte aux soldats blessés affluant massivement à Bruxelles.
En 1817, la Grande Harmonie, cette fois, s’installe au « Cygne », sur la Grand Place. Mais en 1818, on la retrouve au « Champs Elysées », situé porte de Laeken. Son renom ne fait que croître et embellir.
En 1826, la Grande Harmonie remporte ses premiers succès musicaux extra muros, au festival d’Anvers. Ce succès sera célébré par un banquet de 180 couverts, à Boitsfort. La Grande Harmonie enregistrera de nouveaux succès à Bruges (1828) et à Lille (1829).
Le 8 octobre 1830, suite aux événements révolutionnaires qui furent à l’origine de la création du royaume de Belgique et qui s’étaient déroulés, notamment à Bruxelles, un mois auparavant, la Grande Harmonie exécute à la cathédrale des SS. Michel-et-Gudule, une messe de requiem en l’honneur de ceux qui sont tombés et annonce un concert au bénéfice de leurs veuves et des blessés. De manière plus générale, « la Grande Harmonie se trouve mêlée activement à la création de la nationalité belge et à tous les événements de la révolution de 1830. Elle compte parmi ses membres nombre de personnalités qui, à des titres divers, prirent part à ces événements. » (Servais).
En 1842, venant de la Porte d’Anvers (rue de l’Harmonie), la Grande Harmonie installe ses pénates dans un vaste et beau local situé au n°81 de la rue de la Madeleine. C’est là que le 10 décembre 1843, Charlotte Brontë, la célèbre écrivaine, assistera à un concert. Mais revenons brièvement sur les circonstances de la présence de Charlotte Brontë à ce concert. En février 1842, Charlotte (25 ans) et Emily Brontë (23 ans) s’installèrent au numéro 32 de la défunte rue Isabelle, où Mme Héger-Parent dirigeait un pensionnat. Ce sera pour Charlotte le début d’un amour aussi éperdu qu’impossible pour l’époux de la dame précitée, Constant Héger. En 1843, Charlotte Brontë, en proie aux plus terribles tourments de l’amour, prend la décision de dire adieu à Bruxelles, dès après les fêtes de Noël. Elle tiendra parole.
Durant les années 1936-1937, la Grande Harmonie est chassée de son local de la rue de la Madeleine par l’ogre urbanistique bruxellois connu sous l’appellation sinistre de « Jonction Nord-Midi ». A ce sujet, Louis Quiévreux écrit, au début des années 1950 : « C’était en 1937. La Jonction remportait ses plus pitoyables victoires. Aussi bien que l’arme de Goering, mais avec plus de précision, elle ravageait. Pignons, porches, gables, rien n’échappe à sa hargne. Elle ravageait la rue d’Or, la rue de l’Empereur, la Steenpoort, la Montagne-des-Géants. Sous ses coups, la beauté mourait et la laideur, vêtue de béton, de ferrailles et de gris, préparait sa déprimante entrée. Le 25 mai, par une journée de printemps, tandis que les otaries du Mont des Arts riaient à pleines eaux (les fontaines de Bruxelles sont sèches aujourd’hui), s’écroulèrent les colonnes de la Grande Harmonie, au coin de la Montagne de la Cour. » (Bruxelles, notre capitale, p. 59). La Grande Harmonie, ou ce qu’il en restait, s’établit dans une salle du Palais d’Egmont, mais ne retrouva plus jamais son lustre d’antan.
Eric TIMMERMANS.
Sources : Bruxelles, notre capitale, Louis Quiévreux, PIM-Services, 1951 (p. 22-24, 59-61) / Souvenirs de mon Vieux Bruxelles, Fernand Servais, Canon Editeur, 1965 (p. 35-40)