REMPARTS ET PORTES DES 1ère et 2ème ENCEINTES DE BRUXELLES
« Qu’on s’imagine le puissant intérêt et l’aspect saisissant que présenterait notre ville si nos pères, tout en renversant les murailles qui étreignaient l’expansion de la cité, avaient isolé, en les conservant, les portes si curieuses et si pittoresques des deux enceintes. Notre commune serait semée aujourd’hui de monuments originaux, de spécimens de l’architecture d’autrefois, tranchant, par leur aspect fruste et étrange, sur l’uniformité des constructions modernes, et l’étranger viendrait les contempler, comme il va à Rouen…Nous devons regretter amèrement que ces témoins du passé aient disparu. » (Charles Buls, Bourgmestre de Bruxelles, au Conseil communal du 27 février 1888, dans « Bruxelles, notre capitale », L. Quiévreux, p. 158). Précisons toutefois que les sublimes vestiges du Vieux Rouen vantés, à juste titre, par Charles Buls, ont eu largement à souffrir de la seconde guerre mondiale : l’incendie de juin 1940 et les bombardements de 1944 ont entrainé la destruction de 28,5 ha dans la zone de 95 ha délimités par l’enceinte du 12e siècle….
Deux remparts ou trois ?
La ville de Bruxelles fut, durant son histoire, dotée de deux enceintes, l’une élevée au 12e siècle et l’autre au 14e siècle, et chacune fut percée de sept portes. C’est là un fait historiquement établi. Toutefois, nous verrons que d’autres portes furent ultérieurement ajoutées et qu’il convient de ne pas les confondre – erreur que commettent régulièrement de nombreux Bruxellois eux-mêmes - avec ce que nous appellerons, afin de les distinguer, les quatorze « portes historiques » des deux enceintes de Bruxelles.
En outre, selon certaines hypothèses, un rempart – ou, plus précisément, une ligne de défense - aurait été élevé avant celle du 12e siècle. Ainsi, M. Paul Bonenfant, ancien archiviste de l’Assistance publique, basant ses recherches sur une curieuse particularité relevée par Des Marez, archiviste de la ville de Bruxelles, révèle qu’en 1694, les graissiers (marchands de volaille et de produits laitiers) demandèrent la permission d’agrandir leurs locaux jusque sur l’ « ancien rempart ».
La maison des graissiers n’était autre que l’actuelle Brouette, qui est aujourd’hui une taverne située aux numéros 2-3 de la Grand-Place, mitoyenne du Roi d’Espagne, établissement qui forme, lui, l’angle de la rue au Beurre. Or, les historiens s’accordent pour dire qu’il n’y a jamais eu de rempart entre la Grand Place et ce qui est aujourd’hui l’arrière de la Bourse. Quel « ancien rempart » les graissiers pouvaient-ils donc bien évoquer ?
Examinant le plan de Martin de Tailly (1639), M. Bonenfant découvrit près de l’ancienne église des Récollets (qui s’élevait sur l’actuel emplacement de la Bourse), un mur de défense doté d’une tour, ledit mur étant orienté parallèlement à la direction de la Senne. Selon M. Bonenfant, cette ligne de défense, probablement édifiée à la fin du 10e siècle et laissant la Grand Place à l’extérieur de son enceinte, aurait eu pour mission de protéger le castrum de l’Île St-Géry.
« Préoccupé de fournir des éléments nouveaux à cette théorie, M. Van Hamme a exploré la cave du 31 de la rue au Beurre, car la ligne du rempart, telle que l’établit M. Bonenfant, se superpose exactement au côté sud de la rue au Beurre. » (Bruxelles, notre capitale, p. 86). De fait, dans la cave du n°31 de la rue au Beurre (adresse de la Maison Dandoy, renommée pour la haute qualité et la grande variété de ses biscuits), ont été découverts des blocs de grès lédien maçonnés dans les briques. On pouvait donc s’attendre à retrouver des vestiges de la ligne de défense du 10e siècle derrière les maisons de la rue au Beurre.
En outre, « les travaux d’approfondissement de la cave de la maison de la rue au Beurre ont ramené au jour un crâne humain, une entrave de fer et une cruche en grès. La cruche a été datée du XVme siècle. L’entrave devait emprisonner le poignet du captif. Serait-ce dans une cellule de l’enceinte ? Le crâne, conservé pendant longtemps, a malheureusement disparu. » (Ibid.).
La première enceinte.
II.1.Bref historique de la première enceinte.
La construction de la première enceinte de Bruxelles trouve son origine dans certains événements survenus dans le courant des 11e et 12e siècles. A cette époque, les habitations se multiplient dans la vallée de la Senne et le castrum de Saint-Géry, même renforcé de steenen, ces maisons « en dur » (steenen vient du thiois « steen » qui signifie « pierre ») qui remplacent progressivement les vieilles maisons de bois, n’est plus en mesure d’en assurer la défense. Aussi, le comte de Louvain, Lambert II Balderic, décide-t-il de quitter l’île Saint-Géry, située en zone marécageuse, et d’édifier, semble-t-il entre 1040 et 1047, le nouveau château ducal sur le Coudenberg (actuelle place Royale).
Le Coudenberg est une colline voisine de ce qui allait devenir la collégiale des SS. Michel-et-Gudule (actuelle cathédrale Saint-Michel), suite au transfert, à la même époque, des reliques de sainte Gudule, jusque là conservées dans la chapelle castrale de Saint-Géry. Les centres des pouvoirs politique et religieux se déplacent donc, au rythme de l’élargissement de la cité. Ces évolutions réclament l’édification d’un rempart adapté à la situation nouvelle.
« La construction de la première enceinte, promise aux Bruxellois par le duc de Brabant, Henri Ier (1190-1235) fut organisée et financée par la Ville elle-même ; l’ensemble fut terminé dans le courant du XIIIe siècle. » (La Porte de Hal, L. Wullus, p. 4). Il s’agit d’une muraille, haute de 6 à 7 m, sur arcades insérées dans d’importantes levées de terre, type de construction que l’on retrouve dans tout le duché de Brabant, notamment à Binche et à Nivelles. Ladite enceinte, jalonnée de 50 tours de guet reliées entre elles par des pans de mur nommés courtines, était percée de sept portes, mais afin de faciliter les relations entre le centre-ville et les constructions bâties extra-muros, l’on perça en outre, dès 1289, cinq portes secondaires nommées « wickets ». Les abords de la muraille étaient défendus par un fossé, à certains endroits, rempli d’eau et entouré de marais (nord), à d’autres endroits, sec et relativement étroit (est). L’enceinte proprement dite, d’une longueur de 4 km environ, était, en outre, jalonnée d’une cinquantaine de tours de guet reliées entre elles par des pans de murs appelés courtines.
La première enceinte englobe l’île Saint-Géry, le premier port de bord de Senne, les collines du Treurenberg, incluant la première collégiale romane des SS. Michel et Gudule, le Coudenberg avec le château ducal, sans oublier la Grand Place. Mais Bruxelles poursuit son expansion. Ainsi peut-on noter la construction, hors des murs, de l’église Notre-Dame de la Chapelle -la présence d’une chapelle à l’endroit où se dresse actuellement cette église est attestée par une charte datée de l’année 1134, signée de la main du duc de Brabant, Godefroid le Barbu- de même que d’un poste avancé que l’on nommera, pour des raisons que nous évoquerons plus avant, la Porte à Peine Perdue (du côté de la rue Rempart des Moines), édifiée au début du 14e siècle.
Après la mort de Jean III de Brabant (1312-1355), suivit un conflit de succession qui amena le comte de Flandre Louis II de Maele, à investir Bruxelles. C’est là que l’on place l’épisode de la révolte d’Everard t’Serclaes qui, à la tête de quelques dizaines d’hommes, entra dans Bruxelles, jeta à bas le drapeau flamand que Louis de Maele avait fait hisser à la fenêtre de la Maison de l’Etoile, sur la Grand Place, et chassa les Flamands de la ville.
Toutefois, le rempart ayant largement montré les limites de son efficacité militaire, l’on décida d’en construire un second qui devait accroître grandement l’étendue de la cité et lui donner globalement l’aspect d’un pentagone. Le démantèlement de la première enceinte s’étala, selon les quartiers, du 16e au 18e s, ce qui signifie que les premier et deuxième remparts coexistèrent durant près de quatre siècles (du 14e au 18e).
Après la destruction ou l’utilisation à des fins non-militaires de ses portes et de ses « wickets » (portes secondaires), la première enceinte fut conservée aux moyens de strictes mesures de protection. Ainsi, par exemple, durant tout le 16e siècle, était-il interdit de faire pousser des vignes aux abords des murs, celles-ci provoquant le déchaussement des pierres de la muraille. Quant aux tours, parfois utilisées comme entrepôts, parfois incluses dans les habitations, elles bénéficièrent de la même protection que les courtines. Ce n’est qu’au 16e siècle que la première enceinte fut totalement démilitarisée et cédée aux particuliers. Elle sera peu à peu absorbée par l’habitat urbain.
Mais au 19e siècle, sous prétexte, plus ou moins justifié, de « modernité » et d’ « assainissement », on entreprit de colossaux travaux de rénovation urbaine. Il en fut ainsi des travaux de voûtement de la Senne, compris entre 1867 et 1871. Il en fut ainsi, aussi et surtout, de cette ogresse par trop célèbre, connue sous le nom de « Jonction Nord-Midi », qui saccagea la ville un siècle durant, les travaux ayant commencé au 19e siècle pour se terminer plus que laborieusement…en 1952. De nombreux édifices et maisons furent détruits, de même que nombre de vestiges de la première enceinte que l’on retrouva sous l’habitat urbain. Les quelques vestiges qui purent être sauvés ne le furent que par la volonté de quelques personnes, tel que le bourgmestre Charles Buls, grand défenseur du patrimoine bruxellois.
II.2.Portes et « wickets » de la première enceinte.
II.2.a.Les sept « portes historiques » de la première enceinte.
S’il existe encore un certain nombre de vestiges du premier rempart de Bruxelles, il n’existe plus de trace de ses sept « portes historiques ». Nous en connaissons toutefois l’emplacement :
-La Steenpoort (ou Porte de Pierre) était située au coin du boulevard de l’Empereur et de la rue de Rollebeek. La « porte historique » de la seconde enceinte qui lui correspond est la Porte de Hal.
La Porte du Coudenberg (ou Porte de Namur) était située au coin de la rue de Namur et de la rue de Bréderode. La « porte historique » de la seconde enceinte qui lui correspond est la Porte de Namur (aussi est-il préférable, afin d’éviter les confusions, d’user du nom de « Porte du Coudenberg » plutôt que de celle de « Porte de Namur », pour désigner la porte de la première enceinte)..
L’aspect rustique de la Porte du Coudenberg étonne. La construction de l’environnement, avec une tourelle aux pignons à gradins, coupe la ligne des remparts crénelés. A droite du dessin (Cobergh, daté : 30 di seth 1613.) le dessinateur a représenté un coin de l’auberge dont l’enseigne à potence porte l’esquisse d’un porc. Un monceau de bûche, soigneusement rangées, rappelle la dureté des hivers. Une entrée aux piliers de bois donne accès de l’établissement, dont le domaine est représenté clôturé. Une charrette à deux roues repose près de la clôture. Deux hommes, côté à côte, regardent les champs. Un personnage à cheval s'apprête à franchir la porte de sortie. (Bruxelles Jadis, Van Hamme, page 79)
La Porte du Treurenberg (ou Porte Sainte-Gudule) était située derrière la cathédrale Saint-Michel, au coin du Treurenberg et de la place de Louvain. La « porte historique » de la seconde enceinte qui lui correspond est la Porte de Louvain.
-La Porte de Malines (ou Porte de Warmoesbroeck) était située au coin de la rue Montagne-aux-Herbes-Potagères et de la rue du Fossé-aux-Loups. La « porte historique » de la seconde enceinte qui lui correspond est la Porte de Schaerbeek.
-La Porte Noire (ou Petite Porte de Laeken) était située au coin de la rue de l’Evêque et de la rue de la Vierge Noire. La « porte historique » de la seconde enceinte qui lui correspond est la Porte de Laeken (aussi est-il préférable, afin d’éviter les confusions, d’user du nom de « Porte Noire » plutôt que de celle de « Petite Porte de Laeken », pour désigner la porte de la première enceinte).
-La Porte Sainte-Catherine était située au coin de la rue Sainte-Catherine et de la place Sainte-Catherine. La « porte historique » de la seconde enceinte qui lui correspond est la Porte de Flandre.
-La Porte d’Overmolen (ou Porte d’Anderlecht) était située au croisement de la rue Marché-au-Charbon et de la rue du Jardin des Olives. La « porte historique » de la seconde enceinte qui lui correspond est la Porte d’Anderlecht (aussi est-il préférable, afin d’éviter les confusions, d’user du nom de « Porte d’Overmolen » plutôt que celle de « Porte d’Anderlecht », pour désigner la porte de la première enceinte).
Durant la journée, c’est à ces portes que l’on percevait les taxes sur les marchandises. La nuit, elles restaient closes. Ajoutons que quatre de ces portes ouvrent et ferment le tracé de deux anciennes chaussées qui traversent Bruxelles :
-la première est la « Chaussée romaine » qui s’étend, à l’intérieur de la première enceinte, entre la Steenpoort et la Porte du Treurenberg via le boulevard de l’Empereur, le Cantersteen avant de parvenir au Treurenberg en longeant la cathédrale ;
-la seconde est la « Steenweg » (ou « Chaussée de pierre ») qui est sans doute légèrement antérieure à la première enceinte et qui s’étend de la Porte du Coudenberg à la Porte Sainte-Catherine, via la rue de Namur, la place Royale, la Montagne du Parc, le Mont des Arts, la rue de la Madeleine, la rue du Marché aux Herbes, la rue du Marché aux Poulets et la rue Sainte-Catherine.
Au lendemain de la construction de la seconde enceinte, entre 1357 et 1379, les « portes historiques » de la ville, de même que les « wickets » (ou guichets secondaires) furent progressivement détruits afin de faciliter la circulation intra-muros. La Porte de Sainte-Catherine, de même que la Porte Noire, survécurent un temps du fait de leur transformation en lieu d’habitation. D’autres portes servirent d’entrepôts pour les grains et pour le sel. Toutefois, seules trois portes survécurent jusqu’au 18e siècle. Il s’agit de la Porte du Treurenberg et de la Steenpoort, qui furent aménagées en prison, et de la Porte du Coudenberg qui fut utilisée comme salle d’archives, à partir de 1594.
II.2.b. Les cinq portes secondaires ou « wickets » de la première enceinte.
Nous l’avons dit, qu’il s’agisse de la première enceinte ou de la seconde, l’on commet souvent l’erreur de confondre les « portes historiques » et les portes secondaires, également nommées « guichets » ou « wickets » (ce terme thiois trouvant d’ailleurs son équivalent dans le mot français « guichet » dont il est peut-être une déformation) ou encore « portes d’octroi ». Afin de les distinguer, nous réserverons le terme de « portes » ou « pavillons d’octroi » pour les portes secondaires de la seconde enceinte et le terme de « wickets » pour les portes secondaires de la première enceinte, celles-là mêmes qui nous intéressent ici. Ainsi dénombre-t-on plusieurs « wickets », vraisemblablement cinq ; (Promenades bruxelloises – La Première enceinte, p. 4), percés dans le rempart de la première enceinte. Nous en avons retrouvé quatre, dont un probable :
-Le Wicket du Lion : La rue de la Grande Île était coupée en son milieu par le rempart. C’est à cet endroit qu’une poterne nommée Guichet (ou Wicket) du Lion, permettait d’entrer intra-muros.
-Le Wicket de Driesmolen : Situé au croisement de la rue Van Artevelde et de la rue Saint-Christophe.
-Le Wicket (probable) du n°42 (2002) de la rue des Chartreux : « Anciennement nommée rue du Viquet, dont on a fait par corruption Vincket, [la rue des Chartreux] a, par arrêté du 4 mai 1853, aggloméré la rue qui portait encore ce nom. » (Bochart). Au 18e siècle, l’on fit de cette artère une rue du Finquet ou encore, de Finquette : le terme « wicket » vient-il du mot français « guichet » ou, au contraire, le terme Finquet ou Finquette, vient-il du mot « wicket », ou l’une métamorphose précéda-t-elle l’autre ? La question n’est guère tranchée. Dans le vestibule du n°42 de la rue des Chartreux, on peut encore apercevoir (2002) quelques pierres d’une tour dont on suppose qu’il pourrait s’agir des vestiges d’un « wicket » autrefois installé dans cette rue.
-Le Wicket de Ruysbroeck : Ce guichet s’éleva, de 1289 à 1540, sur la place de la Justice, dans le prolongement de la rue de Ruysbroeck. Il fut supprimé en 1540 afin de faciliter le passage du cortège de l’Ommegang.
II.2.c. La Porte à Peine Perdue.
Pas plus que les « wickets », la Porte à Peine Perdue, associée à la première enceinte de Bruxelles, ne compta parmi ses sept « portes historiques ». Cet ouvrage défensif avancé fut construit hors des murs, à peu près à mi-parcours de ce qui est aujourd’hui la rue de Flandre, là où cette artère forme un angle obtus, au carrefour du Marché-aux-Porcs, de la rue Léon Lepage et de la rue du Rempart des Moines. Cette dernière tient son nom d’un mur de terre et de pierre, bordé d’un fossé extérieur creusé au 13e siècle. Ledit « rempart des moines » était destiné à protéger le couvent de Jéricho, situé hors des murs de la première enceinte.
On franchissait jadis ce rempart en suivant la rue de Flandre, en passant sous les voûtes de la Porte à Peine Perdue et en empruntant le pont Philippe qui enjambait alors le fossé du « rempart des moines ». Lorsque l’on décida la construction de la deuxième enceinte, dans la seconde moitié du 14e siècle, la Porte à Peine Perdue et le « rempart des moines » perdirent toute utilité. On rasa le rempart, on combla le fossé et, du fait d’une obsolescence intervenue si vite, la Porte à Peine Perdue acquit son nom. Elle « servit longtemps d’arsenal et de magasin d’objets de couchage pour les troupes. Un incendie s’étant déclaré en 1727 dans une maison attenante, le feu consuma entièrement la porte et les objets que le bâtiment renfermait. » (Bochart). On décida alors de raser ses décombres.
III. La seconde enceinte.
III.1.Bref historique de la seconde enceinte.
III.1.a. Quatre siècles au service de la défense de Bruxelles.
Comme nous l’avons dit, au lendemain de la prise de Bruxelles par le comte de Flandre Louis de Maele (1356) et la reconquête de la ville par Everard t’Serclaes, les Bruxellois décidèrent de bâtir une seconde enceinte, longue de 8 km, prenant en compte l’expansion démographique et géographique de la cité. Les travaux s’étalèrent de 1357 à 1381-1383. La seconde enceinte, qui prit globalement l’aspect d’un pentagone –raison pour laquelle on se réfère parfois à « Bruxelles-Pentagone » pour désigner la ville originelle de Bruxelles-, devait s’étendre sur huit kilomètres, soit le double de la première enceinte.
Comme cette dernière, elle fut percée de sept portes que nous nommons « portes historiques », qui correspondent chacune aux sept portes de la première enceinte et auxquelles, comme nous le verrons, viendront s’ajouter ultérieurement une huitième porte (la Porte du Rivage) et cinq portes secondaires dites « portes d’octroi ». La nouvelle enceinte est, en outre, jalonnée de 72 tours semi-circulaires et est, dans la partie basse de la ville, entourée d’un fossé inondé.
Aux 16e et aux 17e s., les nouvelles techniques de siège et le développement de l’artillerie, obligèrent Bruxelles à entreprendre de grands travaux visant à doter le rempart de nouvelles défenses aptes à tenir l’ennemi à distance. Ainsi, de nouveaux obstacles (fossés, bastions et ouvrages défensifs triangulaires tournés vers l’extérieur), furent-ils placés en avant de l’enceinte.
Entre 1672 et 1675, on construisit le Fort de Monterey (du nom du comte espagnol en charge du renforcement des défenses de la ville) sur les hauteurs de Bruxelles correspondant à la commune de Saint-Gilles, au sud de la Porte de Hal. Mais, en définitive, ces fortifications se révélèrent inefficaces : elles ne purent empêcher ni le bombardement de Bruxelles, en 1695, ni la prise de la ville par les troupes françaises, en 1746. L’ère de la guerre de siège prenait fin, et avec elle, l’utilité même des anciennes fortifications bruxelloises.
III.1.b.. La garde des remparts.
Durant la journée, les gardes surveillaient les différents accès de la ville, mais durant la nuit, ils étaient disséminés sur le rempart. Leur rôle était de surveiller les environs extérieurs, mais également de donner l’alerte en cas de feu ou de danger repéré intra-muros.
Mais la défense de la ville reposait essentiellement sur la capacité de mobilisation de ses habitants, tous les hommes valides, de 17 à 60 ans, pouvant être appelés à porter les armes pour la défendre. Ils devaient pourvoir eux-mêmes à une partie de celles-ci (armes et armures), alors que la Ville se chargeait du matériel collectif (armes de jet, tentes bannières, artillerie…). La Ville disposait, en outre, d’un corps d’archers et d’arbalétriers regroupés dans des guildes et qui seront, ultérieurement, remplacés par des porteurs d’arquebuses et d’autres armes à feu.
A l’origine, la gestion des remparts et de leurs portes était assurée par les Lignages, soit les sept grandes familles patriciennes de Bruxelles. Après 1421, les Nations – soit les neuf corps de métiers de Bruxelles- se joindront aux Lignages dans cette mission. Voilà pourquoi il fallut inventer un système d’ouverture et de fermeture des portes à deux clés, chaque porte étant du ressort d’un portier mandaté par l’un des Sept Lignages et d’un autre mandaté par l’une des Neuf Nations.
III.1.c. Le démantèlement des fortifications.
Aussi, l’empereur autrichien Joseph II ordonna-t-il, en 1782, le démantèlement de la plupart des places fortes des Pays-Bas méridionaux, y compris celle de Bruxelles. Le Fort de Monterey et la majorité des portes de la ville furent rasées. Ne subsistèrent bientôt que les portes de Laeken et de Hal. Lors du rattachement des Pays-Bas méridionaux à la République Française, dans les années 1794-1795, les travaux de démolition furent arrêtés, mais ils reprirent sous le Consulat. La Porte de Laeken disparut à son tour sous le Premier Empire (1808). Enfin, par une ordonnance du 19 mai 1810, l’Empereur Napoléon Ier ordonna la destruction de la seconde enceinte qui se vit remplacée par des boulevards. Mais la fin du Premier Empire français empêcha la réalisation complète de ce projet. Les travaux d’aplanissement des ruines reprirent sous le régime hollandais (1815-1830).
III.1.d. L’octroi.
Les boulevards, qui suivent le tracé de ce que les Bruxellois nomment encore aujourd’hui la Petite ceinture, se virent doublés d’une barrière – la barrière de l’octroi- bordée par un fossé qui ferme la ville. « En 1800, l’administration française décida l’établissement d’octrois municipaux. L’article 131 de la loi belge du 30 mars 1836 laissa entier le principe des lois antérieures sur la matière, et les Bruxellois connurent l’octroi pendant soixante ans. » (Bruxelles, notre capitale, L. Quiévreux, p. 155).
Porte d'Anderlecht
Photo de Pierrot Heymbeeck (2016)
La barrière était défendue par un certain nombre de bâtiments nommés « pavillons d’octroi » qui remplacèrent progressivement les anciennes « portes historiques », désormais militairement obsolètes, et qui avaient pour but le contrôle de la perception des taxes sur les marchandises qui entraient dans la ville : « Avant 1860, on ne pénétrait pas aussi facilement dans Bruxelles-Ville qu’aujourd’hui. Les remparts avaient disparu, mais tout le long des boulevards extérieurs existait un fossé. Pour entrer en ville, il fallait passer par les portes de l’octroi, correspondant aux anciennes portes fortifiées. Les aubettes elle-même étaient défendues par des grilles, si bien que l’entrée de Bruxelles ressemblait étrangement à un passage en douane. Les gabelous veillaient. Ils étaient très sévères. La plupart des produits, surtout le gibier, le vin et les alcools étaient strictement contrôlés. » (Ibid, p. 155).
On supprima l’octroi le 21 juillet 1860. La barrière fut démantelée, « la population en liesse arracha les portes et les grilles de fer qui formaient barrière entre la ville et les faubourgs. L’Administration communale mit en vente les clôtures de la ville, à charge de démolition. » (Ibid, p. 155). Quant aux pavillons d’octroi, pour la plupart, ils disparurent. Ne subsistent de ces derniers que ceux que l’on peut encore voir aux carrefours des portes d’Anderlecht (dont l’un des anciens pavillons d’octroi abrite le Musée des égouts de la Ville de Bruxelles) et de Ninove (anciens pavillons d’octroi), de même que ceux de la porte de Namur (ancienne « porte historique » de la seconde enceinte) qui ont toutefois été déménagés au bout de l’avenue Louise, à l’entrée du Bois de la Cambre. De la seconde enceinte proprement dite, ne subsiste plus que la Porte de Hal, transformée, selon la mode romantique, en un château néo-gothique, entre 1868 et 1871, par l’architecte Henri Beyaert.
III.2.Les portes de la 2ème enceinte.
III.2.a. Les sept « portes historiques » de la 2ème enceinte.
La Porte de Hal constitue l’ultime vestige de la seconde enceinte de Bruxelles. Elle se situe à la jonction des boulevards du Midi et de Waterloo, en face de la rue Haute.
La Porte de Namur était située à l’endroit qui porte encore son nom aujourd’hui et dominait la ville. Elle fut démolie en 1760 et remplacée, en 1835, par des pavillons d’octroi.
La Porte de Louvain était située entre les places Madou et Surlet de Chokier, à l’endroit qui porte encore son nom de nos jours. Elle fut démolie en 1783 et remplacée ultérieurement par des pavillons d’octroi.
La Porte de Schaerbeek (parfois nommée aussi « Porte de Cologne », à ne pas confondre avec les pavillons d’octroi de la « Porte de Cologne » jadis située au bout de la rue Neuve, du côté de la place Rogier) était située au croisement des actuels boulevard Botanique et rue Royale, à l’endroit qui porte encore aujourd’hui le nom de « Porte de Schaerbeek ». Elle fut démolie en 1784 et ultérieurement remplacée par des pavillons d’octroi.
La Porte de Laeken était située à la jonction des boulevards du Jardin Botanique et Emile Jacqmain. Transformée en prison, elle fut finalement détruite en 1807.
La Porte de Flandre était située à l’endroit où, aujourd’hui, les rues de Flandre et Antoine Dansaert aboutissent au canal de Charleroi. Elle fut détruite en 1783 et ultérieurement remplacée par des pavillons d’octroi.
La Porte d’Anderlecht était située à l’endroit qui porte toujours ce nom aujourd’hui, où la rue d’Anderlecht rejoint le boulevard du Midi. Détruite en 1784, elle fut ultérieurement remplacée par des pavillons d’octroi qui existent toujours.
III.2.b. La Porte du Rivage.
La Porte du Rivage –parfois également nommée « Porte du Canal » ou « Trou du Rivage »- était une huitième porte, ajoutée en 1561, soit deux siècles après la construction de la première enceinte (raison pour laquelle nous devons la considérer comme une « porte tardive » à distinguer impérativement des sept « portes historiques » de la seconde enceinte), afin de contrôler l’accès au port fluvial auquel on accédait par le nouveau canal. Elle était située à l’emplacement de l’actuelle place de l’Yser, où l’on trouvait anciennement l’Allée verte (J. d’Osta). Cette porte constituait donc l’accès fluvial et douanier du canal de Willebroeck vers l’ancien port intérieur de Bruxelles, dont les bassins aboutissaient à la place Sainte-Catherine. La Porte du Rivage fut détruite en 1783, puis remplacée par des pavillons d’octroi.
1II.2.c. La Grosse Tour.
La Grosse Tour, également nommée « Tour du Pré-aux-Laines », était un élément de la seconde enceinte situé au niveau de l’actuelle place Louise. Avec ses 30m de diamètre, c’était l’une des plus grosses tours du second rempart, raison pour laquelle on lui a donné le nom qui est le sien. Elle fut utilisée comme tour de guet et également dans le cadre du tir annuel des archers, des arbalétriers et des arquebusiers. La Grosse Tour subsista longtemps après le démantèlement de la seconde enceinte et même à celui de la grille de l’octroi : elle ne fut démolie qu’en 1907. Une rue qui relie la place Stéphanie et la rue de la Concorde, nommée « rue de la Grosse Tour », perpétue son souvenir.
III.2.d.. La Tour Bleue.
Avec la Grosse Tour, la Tour Bleue (ou Tour Hydraulique) était l’une des deux tours particulièrement remarquables de la deuxième enceinte de Bruxelles. Elle était située entre les « portes historiques » de Namur et de Louvain, et, plus précisément, au niveau du milieu de la rue Zinner, sur la droite, lorsque l’on vient de la rue Ducale pour se rendre au boulevard du Régent. Cette tour a subsisté des siècles durant mais a aujourd’hui disparu.
III.2.e. Les pavillons d’octroi de la seconde enceinte (19e s.).
Il convient de distinguer deux types de pavillon d’octroi :
premièrement, ceux que l’on a substitués aux anciennes « portes historiques », de même qu’à la « porte tardive » du Rivage ; c’est le cas des portes de Namur, de Louvain, de Schaerbeek, du Rivage, de Flandre et d’Anderlecht ;
deuxièmement, ceux qui ont été édifiés en supplément des premiers ; c’est le cas des portes de Charleroi (dite « Louise »), de la Loi, Léopold, de Cologne, d’Anvers et de Ninove.
Nous comptons donc une douzaine de « pavillons d’octroi », tous composés de deux bâtiments de style néo-classique :
La Porte de Charleroi, soit deux pavillons d’octroi édifiés en 1840, était située à la place Louise (entre les « portes historiques » de Namur et de Hal), que les Bruxellois nomment plus volontiers « Porte Louise ». Quoi de plus naturel d’ailleurs : la prétendue « place Louise » n’est, dans les faits, qu’un simple carrefour. Les pavillons d’octroi de la « Porte Louise » (le nom de « Porte de Charleroi » n’est plus utilisé, ni dans la toponymie, ni dans le langage courant) n’existent plus. Une fois de plus, on a substitué à un nom toponymique, celui d’une personnalité qui n’apporte aucune information sur le lieu ainsi nommé, ce que l’on ne peut que déplorer. La place ou porte Louise doit son nom à la reine Louise-Marie d’Orléans, épouse de Léopold Ier. Comme nous l’avons déjà dit, au niveau de la place Louise se situait un édifice nommé la Grosse Tour dont le nom se voit perpétuer dans celui d’une rue voisine située pour moitié sur le territoire de Bruxelles-Ville (n°s impairs), pour l’autre, sur le territoire d’Ixelles (n°s pairs).
La Porte de Namur « historique » fut détruite en 1782 et remplacée temporairement par une aubette de bois qui servit à la perception de l’octroi. Cette aubette précéda les deux pavillons de pierre élevés en 1835 et conçus par l’architecte Auguste Payen. Ces derniers subsistèrent à cet endroit jusqu’en 1863, soit trois années après l’abolition de l’octroi, et furent alors déplacés à l’entrée du Bois de la Cambre, au bout de l’avenue Louise. En 1866, à l’emplacement des anciens pavillons d’octroi, on édifia une fontaine monumentale à laquelle on donna le nom de Charles De Brouckère (1796-1860), en mémoire de cet ancien bourgmestre de Bruxelles. Cette fontaine fut démantelée en 1955. Ajoutons que l’on a parfois donné le nom de « Nouvelle Porte du Coudenberg » à la Porte de Namur (2ème enceinte), en souvenir du nom de la Porte du Coudenberg qui était la porte correspondante dans la première enceinte et que l’on nomme aussi parfois… « Porte de Namur ». Afin d’éviter les confusions, nous préférons, pour notre part, réserver le nom de « Porte de Namur » à la porte de la 2ème enceinte qui était jadis située à l’emplacement du quartier nommé « Porte de Namur » aujourd’hui, et celui de « Porte du Coudenberg » à la porte correspondante de la première enceinte, jadis située au coin des actuelles rue de Namur et des Petits Carmes.
Les Portes de la Loi et Léopold, respectivement construites en 1849 et 1850, et situées entre les « portes historiques » de Namur et de Louvain, donnaient, l’une et l’autre, accès au quartier Léopold (où se situe aujourd’hui le Parlement européen). Les pavillons d’octroi de ces portes n’existent plus et leurs noms eux-mêmes se sont perdus, tant dans la toponymie de la ville que dans les mémoires.
La Porte de Louvain « historique », jadis située au niveau des places Surlet de Chokier et Madou, fut détruite en 1783. Elle fut remplacée par deux pavillons d’octroi de plan octogonal, qui défendaient l’accès de l’hémicycle de la Porte de Louvain. Lesdits pavillons furent démolis lors de l’abolition de l’octroi, en 1860.
La Porte de Schaerbeek « historique », jadis située à l’emplacement de l’actuelle place de Schaerbeek, fut démolie en 1785. On la nomma également « Porte de Cologne », nom que nous ne retiendrons toutefois pas pour désigner cette porte, afin d’éviter toute confusion avec les pavillons d’octroi de la Porte de Cologne, érigés en 1839, à hauteur de la place Rogier. Des pavillons furent également construits à l’emplacement de la Porte de Schaerbeek, en 1827. Ils furent démolis au lendemain de l’abolition de l’octroi, en 1860.
La Porte de Cologne (1839) était située entre les « portes historiques » de Schaerbeek et de Laeken et, plus précisément, à hauteur de l’actuelle place Rogier (que l’on connut notamment sous le nom de « place de Cologne »). Les « pavillons d’octroi » de la Porte de Cologne, qui avaient été installés au bout de la rue Neuve et qui restèrent en place jusqu’en 1860, n’existent plus.
La Porte d’Anvers :
*La première porte d’octroi : La Porte d’Anvers est la première des portes d’octroi à avoir été édifiée, en 1804, sur le tracé de la deuxième enceinte. On la situait entre la « porte historique » de Laeken et la porte que nous dirons « tardive » du Rivage. Le percement de la Porte d’Anvers permit de passer directement de la rue de Laeken à la chaussée de Laeken (de nos jours, « chaussée d’Anvers »), sans devoir effectuer un détour en « U » par la Porte de Laeken voisine (jadis, il semble que l’on pouvait cependant accéder de la rue de Laeken à l’actuelle chaussée d’Anvers, par une poterne que l’on a muré ultérieurement). Le nouveau passage fut flanqué de deux pavillons d’octroi.
*Sous le Premier Empire : C’est par cette porte, où l’on avait édifié une arche triomphale sur laquelle étaient écrits ces quelques mots, « Son nom seul le rend impérissable », que, le 1er septembre 1804, le Consul Napoléon Bonaparte (il ne sera sacré empereur que le 2 décembre 1804) fit son entrée à Bruxelles. Et voilà pourquoi, en 1807, on lui donna le nom de « Porte Napoléon ». C’est également par cette porte que, via la chaussée d’Anvers (à l’époque, « chaussée de Laeken »), « l’impératrice Marie-Louise, archiduchesse d’Autriche, petite-fille de Marie-Thérèse, fit son entrée à Bruxelles, le 23 avril 1810, avec l’empereur Napoléon Ier. » (Bochart) Après la chute de l’Empire, on donna à la « Porte Napoléon », le nom de « Porte de Laeken », puisqu’elle remplaçait la vraie « Porte de Laeken », « porte historique » de son état, située originellement à la jonction des actuels boulevard Emile Jacqmain et du Jardin Botanique, et détruite en 1807 : « Plus généralement connue sous le nom de Porte de Laeken. Elle sépare la place d’Anvers de la chaussée du même nom. Sous le régime impérial français, on la nomme Porte Napoléon. » (Bochart)
*Sous le régime hollandais (1815-1830) :
La Porte Napoléon prendra tout naturellement le nom de « Porte Guillaume », en référence au roi Guillaume Ier des Pays-Bas, pays sur lequel ladite porte donne dès lors un accès direct. La « Porte Guillaume » s’ouvre également sur la promenade champêtre très prisée et très mondaine de l’Allée verte. En 1819, un genre d’arc de triomphe aux prétentions monumentales, œuvre de l’architecte Tilman-François Suys, y est construit, pour perpétuer le souvenir de l’entrée de Guillaume Ier à Bruxelles (1817), le souverain des Pays-Bas ayant vraisemblablement décidé d’imiter Napoléon :
« Lors de l’entrée du roi Guillaume Ier dans Bruxelles (1817), les magistrats de cette ville et un grand nombre d’habitants lui préparèrent une brillante réception, et pour en perpétuer le souvenir, la régence fit construire une sorte d’arc de triomphe, exécuté sur les dessins de Suys, par Van Gheel ; il était soutenu par deux colonnes corinthiennes, avec un bas-relief représentant le bourgmestre Vanderfosse offrant les clefs de la ville au roi, au-dessus de l’archivolte étaient placées quatre grandes figures, et sur les côtés, à plomb des colonnes, deux statues colossales allégoriques. Depuis cette époque, jusqu’en 1830, on donna à cette entrée de Bruxelles la dénomination de Porte Guillaume. » (Bochart).
Selon Jean d’Osta, les pavillons d’octroi de la Porte d’Anvers sont alors déplacés vers la nouvelle Porte de Ninove, pour laisser place à l’arche susmentionnée :
« Mais, en 1819, on décida de transférer les deux petites aubettes de la rue de Laeken au boulevard de l’Abattoir, pour les besoins de la nouvelle Porte, dite de Ninove, et de construire à leur place une porte monumentale au bout de la rue de Laeken, dédiée au roi Guillaume. » (J. d’Osta)
Cette thèse semble être toutefois contredite par Eugène Bochart, en 1857, qui précise qu’au lendemain des événements de 1830 (soit bien après 1819), la « Porte Guillaume » (future « Porte d’Anvers »), « qui n’avait pas été solidement construite, fut démolie à l’exception de la partie inférieure, c’est-à-dire des deux aubettes de l’octroi, que l’on voit encore actuellement. » (Bochart). Selon un témoignage d’époque, donc, les deux portes d’octroi de la Porte d’Anvers étaient toujours bien situées au même endroit, non seulement après 1830, mais jusqu’à la moitié des années 1850. Elles ont ainsi survécu à la Porte Guillaume elle-même, qui fut détruite en 1838.
Ceci dit, Jean d’Osta n’a pas tort lorsqu’il prétend que des éléments de ladite Porte Guillaume ont bien été déplacés vers la Porte de Ninove, il ne s’agit toutefois pas des portes d’octroi, mais des seules colonnes de la Porte Guillaume (ex-Napoléon). Ainsi, Eugène Bochart précise-t-il qu’en 1820, on adapta à la Porte de Ninove, les colonnes de la Porte Guillaume.
*Dans le royaume de Belgique (de 1830 jusqu’à nos jours) :
Suite à la création du royaume de Belgique, au début des années 1830, la porte d’octroi change une fois de plus de nom –il n’est plus question, à présent, de garder celui du souverain des Pays-Bas, dont les territoires qui composent la Belgique viennent de se détacher !- pour devenir, comme nous l’avons dit, la « Porte d’Anvers ». A noter qu’en 1835, c’est à l’Allée verte, à proximité de la Porte d’Anvers donc, qu’on édifiera la première gare ferroviaire de la ville. La Porte d’Anvers, dont le nom s’est perpétué jusqu’à nos jours, n’est plus aujourd’hui qu’un carrefour situé au croisement de la rue de Laeken et du boulevard d’Anvers.
La Porte du Rivage, bâtie en 1561, est une huitième porte ou, plus précisément, une « porte tardive » de la seconde enceinte. Elle était située à l’emplacement de la place de l’Yser. Au lendemain de sa destruction, en 1783, on édifiera à cet endroit deux pavillons d’octroi qui seront démolis après la suppression de cet impôt, en 1860.
La Porte de Flandre « historique » fut détruite en 1783. Elle fut ultérieurement remplacée par des pavillons d’octroi dont il ne reste cependant plus trace aujourd’hui. Le nom de « Porte de Flandre » s’est toutefois perpétué jusqu’à nos jours pour désigner un carrefour où se rejoignent les rues Antoine Dansaert et de Flandre.
La Porte de Ninove (1806), que l’on situe entre les « portes historiques » de Flandre et d’Anderlecht est l’une des rares portes secondaires à avoir survécu jusqu’à nos jours. De fait, les pavillons d’octroi de la Porte de Ninove existent toujours. On les situe place de Ninove que les Bruxellois désignent presqu’exclusivement sous le nom de « Porte de Ninove ». A noter que c’est également à la Porte de Ninove que l’on situait la « Petite Ecluse ». C’est, en effet, à cet endroit que le bras occidental de la Senne pénètre en ville.
La Porte d’Anderlecht « historique » fut détruite en 1784. A son emplacement (toujours nommé « Porte d’Anderlecht » aujourd’hui), on édifia, en 1836, deux pavillons d’octroi, qui existent toujours et dont l’un abrite le Musée des égouts de la Ville de Bruxelles.
Eric TIMMERMANS.
Sources : Bruxelles, notre capitale, PIM-Services, 1951, p. 85-86, 155-158 / Dictionnaire historique et anecdotique des rues de Bruxelles, Jean d’Osta, Le Livre, 1995, p. 23, 118-119, 227 / Dictionnaire historique des rues, places…de Bruxelles, Eugène Bochart (1857), Editions Culture et Civilisation, 1981, p. 94, 157, 199, 209, 321-322 / Histoire de la Ville de Bruxelles, A. Henne et A. Wauters, Editions « Culture et Civilisation » Bruxelles, 1968, p. 30-31 / Histoire secrète de Bruxelles, Paul de Saint-Hilaire, Albin Michel, 1981, p. 57-65 / La Porte de Hal – Témoin silencieux d’une histoire tumultueuse, Linda Wullus, Musées Royaux d’Art et d’Histoire, 2006, p. 4, 5, 9, 14, 28-32. / Promenades bruxelloises, La première enceinte, Ville de Bruxelles, 2002.