LES FONTAINES DE BRUXELLES (1) : Les fontaines des Petit et Grand Sablons.
I.La fontaine d’Egmont et Hornes au Petit Sablon.
I.1.Le nouvel Etat belge à la recherche de « symboles nationaux ».
La plus ancienne photo connue de la Grand-Place date de 1856 (Jean d’Osta). Cette année-là, on décida d’édifier sur ladite Grand-Place, une fontaine monumentale célébrant le 25e anniversaire du règne du roi Léopold Ier. Mais ce n’est pas, nous le verrons, cette fontaine à l’existence bien éphémère qui nous intéresse ici.
A cette époque, le jeune royaume de Belgique s’inquiétait des événements qui se déroulaient chez son puissant voisin français. En 1848, une révolution avait fait basculer la monarchie et avait débouché sur l’établissement de la IIe République. Plus inquiétant encore, le 2 décembre 1852, Louis-Napoléon Bonaparte se faisait proclamer Empereur des Français sous le nom de Napoléon III.
De quoi donner des sueurs froides au jeune Etat belge qui se souvenait des irruptions républicaines françaises de la fin du 18e siècle et du règne impérial de Napoléon Ier dans les quatorze premières années du 19e. Ces craintes étaient d’autant plus justifiées que Napoléon III nourrissait effectivement des vues annexionnistes envers le jeune royaume de Belgique qui, paradoxalement, pratiquait alors une politique de francisation généralisée (en réaction au régime hollandais notamment), mais qui accueillait aussi sur son territoire nombre d’opposants français au régime de « Napoléon le Petit », dont le plus célèbre est, sans conteste, Victor Hugo.
Il fallait donc multiplier les actes et les symboles patriotiques, afin d’accréditer la thèse, pourtant pas forcément évidente, de l’existence d’une « nation belge » éternelle et faite pour l’éternité. Pour ce faire, on va enrégimenter dans les livres d’histoire, nombre de personnages historiques que l’on qualifiera de « Belges », alors que le terme leur était généralement bien peu commun et que les idées même d’ « Etat-national » et de « citoyenneté », idées nées avec la Révolution française de 1789, leur était inconnue.
I.2.Les comtes d’Egmont et de Hornes, élevés au rang de « héros nationaux belges ».
Nombreux furent donc ces personnages qui se virent délivrer un passeport belge ! On citera pêle-mêle Ambiorix, Bruegel, Vésale, Mercator, Charles-Quint et ce personnage qui nous intéresse ici tout particulièrement : le comte Lamoral d’Egmont. Nous n’allons pas refaire l’histoire du Compromis des Nobles et de la Révolte des Gueux (voir, à ce sujet : http://bruxellesanecdotique.skynetblogs.be/archive/2013/12/10/le-quartier-du-petit-sablon-et-ses-gueux.html ). Rappelons simplement que les figures des comtes d’Egmont et de Hornes ont été longtemps présentées comme des « héros nationaux belges » qui résistèrent vaillamment au cruel pouvoir du roi d’Espagne Philippe II et de son âme damnée, le duc d’Albe, avant de se faire héroïquement décapiter sur la Grand-Place, le 5 juin 1568. Une vision manichéenne qui a, depuis, été largement nuancée par les historiens…
Mais au 19e siècle, dans le contexte que nous avons décrit, l’image de la résistance des comtes d’Egmont et de Hornes au régime espagnol, va être utilisée pour galvaniser le nouveau patriotisme belge. C’est particulièrement vrai pour le comte Lamoral d’Egmont qui, à l’époque de Charles-Quint, s’était distingué sur les champs de batailles, remportant notamment les victoires de Saint-Quentin et de Gravelines contre les armées du roi de France. Le mythe national centré sur les personnalités d’Egmont et Hornes ne faisait toutefois pas l’unanimité. Si le parti libéral, notamment, voyait en eux des résistants au pouvoir théocratique espagnol, pratiquement des « libres-penseurs », le parti catholique, lui, les percevait plutôt comme des traîtres au légitime pouvoir de Sa Majesté Très Catholique, le roi d’Espagne Philippe II. Et cette question, débattue quatre siècles après les faits, fit l’objet de disputes homériques au niveau des édilités locales et nationales !
I.3.La fontaine d’Egmont et Hornes : de la Grand-Place au Petit Sablon.
On se décida malgré tout à commander, à Charles-Auguste Fraikin (1817-1893) et sur proposition du Ministre de l’Intérieur Charles Rogier, un monument dédié aux comtes d’Egmont et de Hornes. C’est d’ailleurs dans ce but que la Ville de Bruxelles fit l’acquisition, en 1825, de la Maison du Roi (Broodhuis) et qu’elle en entama la restauration. Pour des raisons que nous exposerons ultérieurement, le square du Petit Sablon paraissait le plus approprié pour accueillir le monument dédié aux comtes d’Egmont et de Hornes. Malgré cela, le conseil communal de Bruxelles vota, à une courte majorité, en faveur de la Grand-Place, lieu d’exécution, il est vrai, des deux comtes rebelles. Le monument fut dévoilé le 16 décembre 1864. Il s’agissait d’une grande fontaine, surmontée de deux statues à l’effigie (plus ou moins romantique) des comtes d’Egmont et de Hornes. Après bien des discussions, le groupe fut finalement placé devant les escaliers de la Maison du Roi.
Mais il n’y a pas la moindre fontaine devant la Maison du Roi, me direz-vous ! C’est exact, puisqu’elle a été transférée depuis bien longtemps au Petit Sablon. Mais pourquoi au Petit Sablon ? Parce que celui-ci est situé non loin de l’ancien emplacement du palais de Culembourg (sis rue des Petits Carmes, ancienne caserne des grenadiers ; il fut rasé par les Espagnols, le 28 mai 1568), où fut concocté le « Compromis des Nobles » (décembre 1565) et où se tint le « Banquet des Gueux » (avril 1566), et parce qu’il s’étend face au palais…d’Egmont, tout simplement. De fait, c’est Lamoral d’Egmont qui achèvera la construction du palais qui porte encore son nom aujourd’hui. En 1564, il fit d’ailleurs organiser un tournoi à l’emplacement de l’actuel parc du Petit Sablon.
Malgré les travaux de restauration entrepris près de quarante ans avant l’érection du monument dédié à Egmont et Hornes, la Maison du Roi se porte mal et exige de nouvelles transformations, pour ne pas dire, une refonte complète. En 1877, soit à peine treize ans après son inauguration, le monument-fontaine est temporairement écarté de la Grand-Place. Le 15 janvier 1879, le conseil communal décida, à l’unanimité, de transférer le groupe au Petit Sablon. Depuis cette époque, celui-ci constitue le cœur d’un square inauguré en 1890 et conçu par Henri Beyaert, soit un jardin de style Renaissance consacré à d’illustres personnages recrutés, comme nous l’avons dit, pour les besoins de la cause du « patriotisme belge ».
Sources : Dictionnaire historique et anecdotique des rues de Bruxelles, Jean d’Osta, Le Livre, 1995, p.134, 136, 295 / De la Halle au Pain au Musée de la Ville – Huit siècles d’histoire de Bruxelles, B. Vannieuwenhuyze, M-C. Van Grunderbeek, P. Van Brabant, M. Vrebos, Historia Bruxellae, 2013, p.34 -35 / Les Comtes d’Egmont et de Hornes – Victimes de la répression politique aux Pays-Bas espagnols, Historia Bruxellae, G. Janssens, 2013, p.32-38 / Dictionnaire d’Histoire de Bruxelles, S. Jaumain, Prosopon, 2013, p.296 / Bruxelles est malade, Michel Michiels, 1996 (via www.ebru.be).
II.La fontaine de Minerve au Grand Sablon.
II.1.La fontaine de Thomas Bruce, lord anglais et jacobite.
En 1696, un pair de Grande-Bretagne, -(m (agnae) Brit (anniae), selon la formule latine reprise dans l’une des inscriptions de la fontaine du Sablon- , du nom de Lord Thomas Bruce (1656-1741), 2e comte d’Aylesbury et 3e comte d’Elgin, forcé de s’exiler en raison de sa fidélité à Jacques II (James Stuart), vint à Bruxelles et s’installa dans un hôtel situé dans le haut du Sablon. Par gratitude envers l’hospitalité agréable et salutaire (Hospitio jucundo et salubri) dont il bénéficia, Lord Bruce fit ériger dans le bas de la place du Sablon, une fontaine monumentale, à l’emplacement même du Zavelpoel (« bassin de sable », terme thiois qui, dit-on, désigne le marécage sablonneux qui, jusqu’en 1615, occupait la moitié nord de l’actuelle place du Grand Sablon). En réalité, le terme « poel » désigne un abreuvoir pour les animaux et une réserve d’eau en cas d’incendie. Le réservoir fut comblé en 1615 et remplacé par une fontaine, en 1661, jusqu’à ce qu’elle se vit remplacée par la fontaine monumentale dont nous allons vous conter les origines et l’histoire.
Aujourd’hui encore, sur cette fontaine, une formule de reconnaissance en latin rappelle l’hospitalité que Bruxelles accorda à Lord Bruce :
« Thomas Bruce Comes Ailesb (uriensis) m (agnae) Brit (anniae) par Hospitio apud Bruxellas XL annis Usus jucundo et salubri, De suo poni testamento jussit Anno MDCCXL ».
Le comte anglais commanda la construction de cette fontaine en 1740 mais ne devait jamais la voir construite de son vivant. Par contre, son exécuteur testamentaire, à savoir son héritier, John Bruce (lien familial non-précisé), se fit un devoir de respecter ses dernières volontés et c’est ainsi que fut élevée, au Sablon, la fontaine que l’on doit au sculpteur Jacques Bergé (1693-1756). Le groupe fut placé le 4 novembre 1751, signé « J. Bergé Bruxell. » mais il est daté de 1740 (année de la commande du monument par Lord Bruce).
Sur l’autre face du monument, une autre inscription latine précise que, onze années plus tard, « alors que la paix était raffermie par toute la terre », son héritier John Bruce se chargea d’ériger la fontaine, « au temps où régnaient dans le bonheur et dans la gloire, après avoir reconquis l’héritage paternel, François de Lorraine, empereur des Romains, et Marie-Thérèse d’Autriche, fille de Charles VI ». Et nous reviendrons sur la mention à Charles de Lorraine, « gouverneur des Belges »… :
« Undecim vero post annis Pace unique terrarum firmata Joannes Bruce haeres erigi curavit, Francisco Lotharingo Rom. Imperium Et Maria Theresia Caroli VI f (ilia) Regna paterna fortiter vindicata Feliciter et gloriose tenentibus Carolo Lothar (ingo) Belgii gubernatore ».
II.2.Contexte et anachronismes historiques : les Pays-Bas méridionaux et la guerre de succession d’Autriche.
Que l’on retrouve les armoiries, la devise familiale et les remerciements de Lord Bruce sur le devant du piédestal de la fontaine n’a rien d’étonnant. La référence à l’Empereur François Ier et à son épouse Marie-Thérèse peut, quant à elle, difficilement être l’œuvre de Thomas Bruce, tout simplement parce que celui-ci est décédé en 1741, soit quatre années avant que Marie-Thérèse d’Autriche ne fasse élire son époux (depuis 1736), François-Etienne de Lorraine, sur le trône impérial (1745-1765), sous le nom de François Ier, devenant alors elle-même impératrice consort des Romains (1745-1780). Thomas Bruce a, moins encore, pu saluer, à l’issue de la guerre de succession d’Autriche (1748), l’accomplissement de la volonté autrichienne de voir Marie-Thérèse succéder à son père Charles VI sur le trône d’Autriche (Pragmatique Sanction), puisqu’il était mort, sept ans auparavant !
Or, ces références à la « paix raffermie par toute la terre » et à la « reconquête de l’héritage paternel » (de Marie-Thérèse) par François Ier, font bel et bien référence à la conclusion de la guerre de succession d’Autriche (1740-1748). Celle-ci fit entre 100.000 et 450.000 morts en huit ans. Nombre de batailles de cette guerre furent livrées dans nos contrées, notamment le siège de Bruxelles (janvier et février 1746), capitale des Pays-Bas autrichiens, et la bataille de Fontenoy (11 mai 1745), rendue célèbre par la phrase prêtée au comte d’Anterroches (1710-1785) : « Messieurs les Anglais, tirez les premiers ! » ou, suite à ce qui fut interprété comme une provocation d’un officier anglais du nom de Lord Charles Hay : « Monsieur, nous n’en ferons rien ! Tirez vous-mêmes ! ».
Qui donc, dès lors, a bien pu faire faire apposer ces inscriptions apparemment anachroniques sur les faces de la Fontaine de Minerve ? Il nous faut chercher du côté du nouveau gouverneur des Pays-Bas autrichiens : Charles-Alexandre de Lorraine. Celui-ci est d’ailleurs cité dans l’une des inscriptions de la fontaine. Quoi de plus normal, me dira-t-on, puisque Charles de Lorraine fut gouverneur des Pays-Bas méridionaux autrichiens de 1741 à 1744 et de 1749 à 1780.
Certes. Mais Charles de Lorraine fut choisi comme gouverneur des Pays-Bas méridionaux en avril 1741 et il prit ses fonctions au mois d’août de la même année. Et en raison de la guerre de succession d’Autriche, il ne put réellement prendre son poste qu’en 1744…et encore ! S’il fit son entrée à Bruxelles, le 26 mars 1744, il devait, deux mois plus tard, reprendre le commandement de l’armée du Rhin. Ce n’est que le 24 avril 1749 qu’il put, finalement, entamer son gouvernorat. C’est dire que Lord Thomas Bruce n’a pas pu –ou alors si peu !- le connaître comme gouverneur des Pays-Bas méridionaux…et non de la « Belgique » ou des « Belges », tel qu’indiqué dans l’inscription de la fontaine : un anachronisme de plus !
Les Pays-Bas méridionaux autrichiens regroupaient, grosso modo, l’actuelle Belgique (moins la Principauté de Liège) et le Grand-Duché de Luxembourg, de même que des populations de langue germanique et de langue romane, restées fidèles au catholicisme au lendemain de la scission des anciennes Provinces Unies, lors des guerres de religion du 16e siècle. La référence à la Belgique ou aux Belges (« Belgii ») de l’inscription latine ne désigne aucun Etat de ce nom, puisqu’il n’existât pas de structure étatique belge dénommée ainsi avant 1830 (si l’on excepte les désastreux Etats belgiques unis de 1790…). Il s’agit donc d’un rappel quelque peu romantique de la Gaule Belgique romaine, dont le nom fut semble-t-il exhumé au 15e siècle, après des siècles d’oubli, par le duc de Bourgogne Philippe le Bon, qui voulut ainsi renforcer la cohérence de ses pays de « Par-Deçà » (nos contrées) et ses pays de « Par-Delà » (Bourgogne et Franche-Comté).
La guerre de succession d’Autriche se termine donc en 1748. Charles de Lorraine débute réellement son gouvernorat en 1749. Le 4 novembre 1751, à la demande de l’exécutant testamentaire de Thomas Bruce, John Bruce donc, la Fontaine de Minerve est élevée au Grand Sablon, ornée d’inscriptions et de symboles dont Lord Bruce ne pouvait évidemment connaître la signification onze ans auparavant. En fait, les inscriptions ont été composées par un certain Roderic de Cologne…conseiller intime de Charles de Lorraine !
II.3.Thomas Bruce et la Glorieuse Révolution : autre temps, autre guerre…
La présence de notre lord anglais à Bruxelles ne trouve donc pas son origine dans la guerre de succession d’Autriche, mais dans des événements qui se déroulèrent en Angleterre, à la fin du 17e siècle. Ils sont connus sous le nom de « Glorieuse Révolution ». En 1688, le roi Jacques II d’Angleterre et d’Irlande, un Stuart, également roi d’Ecosse régnant sous le nom de Jacques VII, est détrôné par un coup d’Etat protestant mené par une armée hollandaise de 25.000 hommes, dont plus de 7000 huguenots français. Or, Thomas Bruce est un jacobite, c’est-à-dire un partisan de Jacques II, souverain catholique aux tendances absolutistes avérées. De cette révolution, bien moins pacifique qu’on ne veut l’avouer généralement, le pouvoir du Parlement se voit renforcé par rapport au pouvoir royal.
Suite au débarquement des troupes hollandaises du prince Guillaume III d’Orange en Angleterre, Thomas Bruce fut l’un des cinq pairs d’Angleterre qui restèrent fidèles à leur souverain Jacques II. Malgré la supériorité numérique de son armée, Jacques II préféra prendre la fuite vers la France, où il voulait se placer sous la protection de Louis XIV. Lord Thomas décida d’accompagner son roi jusqu’à Rochester. Mais le souverain tenta sans succès de rallier le continent après avoir supposément jeté le grand sceau d’Angleterre dans la Tamise ! Quelques jours plus tard, sans doute le 18 décembre 1688, il fut arrêté dans le Kent et placé en détention. Voulant éviter d’en faire un martyr, Guillaume III le laissa s’échapper vers la France quelques jours plus tard, soit le 23 décembre. Mais en mars 1689, Jacques II débarqua en Irlande, avec le soutien des armées du Roi Soleil. Il bénéficia aussi de l’appui du parlement irlandais, mais ses troupes furent vaincues à la bataille de la Boyne, le 1er juillet 1690. S’en suivit un deuxième exil français, cette fois, définitif. On estime à 40.000 le nombre de partisans de Jacques II ou jacobites, qui trouvèrent refuge en France au lendemain de ces événements. Ils y constitueront la Cour jacobite de Saint-Germain-en-Laye et la puissante communauté des Irlandais de Nantes (les rangs jacobites furent composés à 60 % d’Irlandais).
Et qu’advint-il de Thomas Bruce ? Par deux fois abandonné par son souverain, il resta malgré tout en Angleterre. Mal lui en pris. En 1695, Lord Bruce fut accusé d’avoir conspiré, en vue de rétablir Jacques II sur le trône, puis fut emprisonné à la Tour de Londres. Il put toutefois éviter l’exécution et prit à son tour la route de l’exil. Et celle-ci le mena à Bruxelles où il vécut une quarantaine d’années et où il décéda le 16 décembre 1741. Pour ce partisan de la monarchie catholique, le choix de s’exiler dans les Pays-Bas espagnols (1556-1713) ou/et autrichiens (1713-1789) n’a pas de quoi surprendre. Soulignons toutefois que dans le contexte de la guerre de succession d’Autriche, les jacobites, rangs dont Lord Bruce était issu, étaient les alliés du royaume de France, alors que le royaume de Grande-Bretagne (1707-1800), avec lequel il avait fait le choix de prendre quelques distances, était l’allié des Habsbourg d’Autriche. Mais cette guerre ne devait pas concerner Lord Bruce, puisqu’il décéda un an environ après son commencement, à l’âge de 85 ans.
II.4.La Fontaine de Minerve de 1751 à nos jours.
On retrouve les armoiries du comte d’Ailesbury sur les deux faces principales du socle. A leur base, deux cracheurs déversent de l’eau dans une vasque soutenue par des escaliers en pierre bleue. De chaque côté des masques cracheurs on trouve, gravées, les trois premières et les trois dernières lettres de la locution latine Fuimus (« Nous fûmes »), devise de la famille Bruce rappelant qu’ils furent rois d’Ecosse au 14e siècle.
De fait, Thomas Bruce est un descendant de Robert Bruce (ou Robert de Bruce) qui fut roi d’Ecosse sous le nom de Robert Ier, de 1306 à 1329. C’est un contemporain de William Wallace, ce chevalier écossais qui mena la lutte contre l’occupant anglais et qui fut rendu célèbre, sous les traits de l’acteur Mel Gibson, dans le film Braveheart (1995). A la fin de ce film, les Ecossais, sous les ordres de Robert Bruce (dont le rôle est tenu par l’acteur Angus Macfadyen), lancent la charge contre les troupes anglaises et remportent une grande victoire. Cet affrontement est connu sous le nom de bataille de Bannockburn. Celle-ci se déroula les 23 et 24 juin 1314.
Le socle est surmonté d’un groupe en marbre blanc de Gênes que l’on doit, comme nous l’avons dit, à Jacques Bergé qui l’a lui-même utilisé sur base d’un dessin du comte de Calemberg. Il représente la déesse Minerve assise, tenant un médaillon aux effigies de François Ier et de Marie-Thérèse. Minerve est perçue comme l’aspect romain de la déesse hellénique Pallas Athéna. Celle-ci, déesse de la Guerre ou, plus précisément, de l’art de la Guerre, basé sur l’intelligence calculatrice, fait pendant à Arès, dieu de la Guerre volontiers présenté comme balourd, brutal et bien souvent stupide. Les Grecs distinguaient clairement ces deux approches de la guerre. Les Romains ont assimilé Athéna à Minerve, mais le lien entre Mars et Arès est loin d’être aussi évident, Mars étant respecté à Rome, bien plus qu’Arès ne l’était en Grèce.
Deux angelots nus et ailés, semblables à Cupidon, accompagnent la déesse Minerve. L’un, soufflant dans une trompette, représente la Renommée. L’autre, doté d’une cruche, symbolise l’Escaut. Un troisième angelot, incarnant la Guerre, se tient derrière la déesse dont il tient le bouclier orné de la tête de la gorgone Médusa et dont il tenait aussi la lance…aujourd’hui disparue. Le médaillon tenu par Minerve figure, comme nous l’avons dit, les portraits de Marie-Thérèse et de François Ier. Une plaque de nivellement indique aussi l’altitude de ce point de Bruxelles : 49,31 m au-dessus du niveau de la mer. A noter encore qu’en 1797, les révolutionnaires français occultèrent les inscriptions et les armoiries, et enlevèrent (temporairement) les statues. La Fontaine de Minerve fut restaurée en 1999.
Sources : Dictionnaire historique et anecdotique des rues de Bruxelles, Jean d’Osta, Le Livre, 1995, p. 293-294 / Guide illustré de Bruxelles, Tome 1, , Guillaume Des Marez, 1918 (via www.ebru.be) /Dictionnaire d’Histoire de Bruxelles, S. Jaumain, Prosopon, 2013, p.337 .
Eric TIMMERMANS.