LES FONTAINES DE BRUXELLES (4) :
LES FONTAINES DE L’HÔTEL DE VILLE ET DE SES ENVIRONS
Les fontaines La Meuse et l’Escaut.
Lorsque, venant de la Grand-Place, on passe le porche surplombé par un saint Michel écrasant le Démon, on pénètre dans la cour intérieure (ou cour d’honneur) de l’Hôtel de Ville. On peut également y accéder par la façade arrière, via la rue de l’Amigo. Cette cour d’honneur a été créée, au cœur de l’Hôtel de Ville, lors de son agrandissement, réalisé au lendemain du bombardement de 1695. Son pavement est marqué d’une étoile à six branches qui indique le centre géographique de Bruxelles (Pentagone). Cette dernière est identique à celle de la place du Capitole, à Rome.
On remarque également deux fontaines de marbre rigoureusement symétriques encadrant la porte cochère située à l’arrière de l’Hôtel de Ville (côté rue de l’Amigo). Elles ont été sculptées, en 1714, par Johannes Andreas Anneessens (1687-1769). Chacune se compose d’une grande vasque semi-circulaire et est soutenue, à la base, par deux dauphins entrelacés. Ceux-ci, recevant l’eau du réservoir supérieur, alimentent par leurs gueules une deuxième vasque.
Chaque fontaine est surmontée d’une figure allégorique couchée et accoudée sur divers objets. Les deux figures allégoriques –des vieillards barbus- datent de 1715. Celle de gauche, œuvre de Jean Dekinder (1675-1739), représente la Meuse. Son bras droit repose sur une urne qui représente la source du fleuve et, de sa main gauche, elle tient un objet, placé derrière ses deux jambes. Celle de droite, œuvre de Pierre-Denis Plumier (1688-1721), représente l’Escaut. Ses mains sont libres et le bras gauche de la statue repose sur un enchevêtrement de pierres et de plantes qui, de toute évidence, représente aussi la source de ce fleuve. Les deux figures allégoriques sont encadrées par deux putti qui chevauchent des dauphins et animent la vasque supérieure de leurs jets d’eau.
Les fontaines des Lions Cracheurs.
Passons entre la Meuse et l’Escaut pour ressortir de la cour intérieure de l’Hôtel de Ville. Nous constatons que la façade arrière de ce dernier est agrémenté par deux lions cracheurs. Chacun d’eux est logé dans une niche cintrée pourvu d’un bassin de pierre bleue. De quand datent ces fontaines ? Jusqu’à la fin du 17e siècle, s’élevait à cet endroit l’ancienne halle aux Draps, construite en 1353, de même que la maison du Boterpot, qui s’élevait à côté de la halle aux Draps, au coin de la rue actuelle de la Tête d’Or. Le Boterpot avait un grand dôme bulbeux et la rue de l’Amigo était généralement nommée Boterpotstraat. Cet édifice ne nous est connu que par un seul dessin de la halle aux Draps, que l’on doit à Léon Van Heil le Vieux (15e siècle, Cabinet des Estampes). Au lendemain du bombardement de 1695, on décida d’édifier à la place de l’ancienne halle aux Draps, les bâtiments postérieurs de l’Hôtel de Ville de Bruxelles, soit un édifice en « U » qui s’unit aux deux ailes dudit Hôtel de Ville. Ce nouvel édifice encadrait la cour intérieure, incluant les statues allégoriques de la Meuse et de l’Escaut, et intégrait, dans sa façade donnant sur la rue de l’Amigo, les deux lions cracheurs précités.
Mars 2017.
Ces lions sont toutefois antérieurs à la construction du nouvel édifice. En effet, leur origine remonte au 14e siècle, soit à l’époque de la construction de l’Hôtel de Ville. L’origine de l’eau qui s’écoule de leur gueule alimente encore bien des polémiques entre historiens. Pour les uns, un lion crachait l’eau provenant de la Montagne des Géants, l’autre du « quartier de Bruxelles ». Pour les autres, l’eau était captée dans le quartier des Alexiens et jaillissait dans la fontaine de la cour d’honneur, pour réapparaître dans la gueule des lions. Aujourd’hui, l’eau qui s’écoule des deux lions provient de l’eau de la ville. Et ces étranges anneaux dont ils sont flanqués, que représentent-ils ? Eh bien ils rappellent le temps où des gobelets étaient attachés aux fontaines, tout simplement !
La fontaine Le Cracheur.
L’une des plus anciennes fontaines bruxelloises, à l’aspect de triton (au sens mythologique du terme), se situe au n°57 de la rue des Pierres (coin de la rue des Pierres et de la rue Marché-au-Charbon). Jadis, son eau coulait du Coudenberg et elle était déjà connue au 14e siècle sous le nom de « Fontaine bleue ». A l’origine, notre cracheur était adossé au Boterpot, déjà évoqué au point précédent et qui servait vraisemblablement de dépôt d’archives. Et donc, comme ce dernier et les archives de la Ville qu’il contenait, il fit les frais du bombardement de 1695.
Juin 2012 - Pierrot Heymbeeck
La Ville de Bruxelles devait partiellement la restaurer en 1704, puis en 1786 :
« La fontaine bleue était composée de plusieurs grandes coquilles, dans lesquelles tombaient de nombreux filets d’eau jaillissant d’un corps d’architecture assez remarquable. La maison ayant beaucoup souffert du bombardement, on remplaça la fontaine par un simple jet sortant d’un mascaron. En 1786, on l’orna d’un triton saillant, à mi-corps et entouré de joncs ; de là son nom de fontaine du Cracheur. » (Bochart).
« La fontaine qui crache son eau claire au coin de la rue des Pierres n’a pas toujours eu l’aspect que nous lui connaissons. Ce triton généreux qui jaillit à mi-corps parmi les joncs fut placé là par Fisco, architecte de la Vill, en 1786. Il y a détrôné un mascaron qui y avait remplacé lui-même plusieurs coquilles de pierre connue depuis le XIVe siècle sous le nom de « Fontaine Bleue » ou « Fontaine derrière la Halle. » (Renoy).
Mais qui peut donc bien être cet étrange triton cracheur ? La légende rapporte que des bourgeois de Bruxelles, constatant la disparition de leur fils matelot, se mirent à sa recherche. Ils le trouvèrent mort en ces lieux. Il fut dit qu’il avait par trop abusé du vin qui jaillissait des seins des Trois Pucelles de la fontaine du même nom et située non loin de là (au carrefour des rues du Marché-aux-Herbes, du Marché-aux-Poulets, des Fripiers et de l’actuelle rue de Tabora) ! En mémoire de leur fils, ces riches bourgeois firent ériger la fontaine du Cracheur à titre de monument expiatoire de leur malheur.
Autres fontaines de la Grand-Place et de ses environs.
Nous avons évoqué, dans un texte précédent, la fontaine d’Egmont et de Hornes qui se dressait jadis devant la Maison du Roi, de même que la fontaine éphémère édifiée sur la Grand Place, pour la célébration du 25e anniversaire du règne de Léopold Ier :
http://bruxellesanecdotique.skynetblogs.be/archive/2017/01/29/fontaines-de-bruxelles-8695024.html
Afin de compléter notre information, rappelons qu’au 17e siècle, après le bombardement de 1695 donc, « plusieurs autres fontaines, parmi les plus anciennes comme celle de la rue des Foulons (Vollestraat) sont profondément modifiées et sont ornées de décors en métal, parfois même sous la forme de statues, figurant saint Michel (au Marché-aux-Herbes) ou sainte Gudule (fontaine de Magnus au Marché-au-Bois), pouvant être rehaussées d’or. L’une d’entre elles, celle du Marché aux Herbes, aussi appelée fontaine des Satyres, était d’ailleurs l’œuvre [de] Duquesnoy. Manneken Pis était donc en bonne compagnie ! Le motif des fontaines anthropomorphes n’était pas –on l’a vu- étranger à Bruxelles : les Trois Pucelles, le Cracheur, mais aussi la grande fontaine de la Grand-Place, du XVIe siècle [ndr : 1564], ornée de trois femmes et quatre hommes particulièrement dénudés (ces décors, s’ils ont été réalisés, semblent avoir déjà disparu avant 1615) ». (Manneken Pis – Dans tous ses états).
Eric TIMMERMANS.
Sources : « La Meuse et l’Escaut », http://lemuseedeleauetdelafontaine.be / Dictionnaire historique des rues, places…de Bruxelles, Eug. Bochart (1857), Editions Culture et Civilisation, 1981, p. 226 / « La Meuse et l’Escaut », http://joch.over-blog.com/ / « L’Hôtel de Ville de Bruxelles », Y. Jacqmin et Q. Demeure, Historia Bruxellae, Musée de la Ville de Bruxelles, 2011, p. 18 / « Dictionnaire historique et anecdotique des rues de Bruxelles », Jean d’Osta, Le Livre, 1995, p. 15, 186 / « Fontaine Les Lions cracheurs », http://www.ebru.be / « Dictionnaire historique des rues, places…de Bruxelles », Eug. Bochart (1857), Editions Culture et Civilisation, 1981, p.393 / Ilot Sacré, Georges Renoy, Rossel – Bruxelles Vécu, 1981, p.95 / « Fontaine Le Cracheur », http://www.ebru.be / « Manneken Pis - Dans tous ses états », M. Couvreur, A. Deknop, Th. Symons, Historia Bruxellae, Musée de la Ville de Bruxelles, 2005, p.27-28.