Dubois impasse
Chardonneret impasse du
Willebroeck impasse de
Impasse de Willebroeck.
S'ouvrait au 82, rue de Flandre, juste en face de la rue du Nom-de-Jésus, fort longue, cette impasse avait 19 maisons, abritant 129 personnes en 1866. Elle disparut entre les deux guerres.
Texte de Jean d'Osta.
Rue du Nom-de-Jésus
vue prise depuis la rue de Flandre, vers le quai aux Briques.
(photo IRPA date 1980)
Tordoir impasse du
Impasse du Tordoir.
Rue de Flandre, 129, cette impasse très longue était bordée de 16 petites maisons à gauche et de jardinets à droite. Elle avait 76 habitants en 1866.
Elle disparut dans l'entre-deux-guerres. Au 20e siècle, on la nommait plus souvent rue du dortoir. mais le Conseil communal en 1853, avait choisi Tordoir.
Pourquoi ? Le bulletin communal ne donne aucun "exposé de motif".
Ecrit par Jean D'Osta.
C'est monsieur Van Vrancen qui était le tenancier de la "BRASSERIE DU VIEUX SAINT PIERRE, téléphone 24292. La Brasserie abritait aussi "BILLARD CLUB".
Source : Almanach de la ville de Bruxelles.
Merle impasse du
Impasse du Merle.
Rue de Flandre 141, cette longue impasse était contiguë à celle de la Pie, qui débouchait au n° 137. Elle avait treize maisonnettes, peuplées en 1866 de 70 locataires, et en 1920 de 35.
Elle disparut entre les deux guerres. Un magasin de carton en gros a pris sa place.
Ecrit par Jean d'Osta.
Philippront impasse
Impasse Philippront
L'impasse Philippront connu en mars 1894, à l'occasion un l'événement aux limites du croyable pour l'époque, une fête pour les 60 ans de mariage des époux Riwet. Qui reçurent , à l'hôtel de ville , dans l'allégresse générale "un prix spécial dû à la générosité de la comtesse de Flandre.
6F
Ville de Bruxelles - Comité officiel de Patronage des Habitations ouvrières et des Institutions de Prévoyance
Enquête - tome III - 1935
La rue du Tabora.
Mon père, Pierre GODENS, est le premier 'blanc' à gauche, avec une belle moustache et un revolver à la ceinture.
Je ne connais pas la date exacte de cette photo.
Derrière lui, il y a le Mwami (LE ROI) MUSINGA, qui n'avait pas besoin d'un tabouret... il était
vraiment aussi grand !!!
Un petit mot d'explication pour vous :
Pour info, mon père est né en mai 1891 (décédé en août 1972).
Il est parti en Afrique la première fois en 1912 - il avait 21 ans et avait vendu son cadeau d'anniversaire (un fusil reçu de son parrain, puisqu'il partait au Congo....!!!!!) pour se payer un billet de 3e classe sur un bateau partant d'Anvers.
La traversée durait environ 3 semaines - et je pense même qu'il y avait une escale aux Canaries ....si je me souviens bien de ce qu'il m'a raconté plus tard !
Il avait des contrats vraiment très bien payés pour l'époque (Firme Gillespie, Firme Delcommune) - il allait dans la brousse récolter notamment du copra qu'il amenait en pirogue, jeep, ou autre moyen de locomotion jusqu'aux bateaux qui rentraient
en Europe - mais, entendant que SON PAYS était en guerre, il a donné son préavis et est allé s'engager sous les drapeaux ...
Il a ainsi fait la 'Campagne de l'Est Africain Allemand', et a participé à la "Prise de Tabora" avec le Général TOMBEUR qui, plus tard, par décision royale, a pu s'appeler : le Général Tombeur de Tabora...
En tout, mon père a fait 12 ans d'Afrique, mais à une époque où, dans la brousse, ses 'boys' devaient creuser un trou pour en faire 'des toilettes'.
Il a même passé tout un terme en étant LE SEUL HOMME BLANC dans la province de l'Equateur - un terme c'était 3 ans, sans revenir au pays !!!
Cela se passait dans un tout autre monde, une autre période, un temps tellement éloigné et différent de notre monde actuel tellement différent qu'on a peine à le croire....
Pendant ses 12 années d'Afrique, mon père a quasi parcouru tout le Congo 'Belge'; il est passé par toutes ses provinces et a aussi fait 'le Rwanda Burundi' comme on l'appelait alors.
Plus tard, il a ouvert un café rue Ropsy Chaudron (près des abattoirs) - là où ma sœur et moi nous avons grandi. C'était l'époque où
les premiers 'noirs' arrivaient et ouvraient leur valise remplie de chiques, de lards, de barres de cacahuètes... pour les vendre aux clients
du bistrot. Et, un jour, un de ces 'noirs' a reconnu mon père comme le 'blanc' qui était là-bas et ils ont commencé à parler dans un de leurs
dialectes congolais. Mon père en parlait trois : le lingala, le kiswaheli et le ?????? j'ai oublié le 3e. C'étaient des situations amusantes !
Mon père n'est allé à l'école que jusqu'à ses 12 ans (rien que les primaires), puis il a essayé de travailler avec son père qui était plombier -
mais, étant trop chétif pour porter le lourd sac du plombier, il a laissé tomber - ensuite à 16 ans 1/2 il s'est engagé dans la cavalerie à Liège....
et puis cela a été l'Afrique... Entre tout ça, il a appris à lutter (lutte gréco romaine et lutte libre) et au ''Congo Belge'' un médecin américain
lui a appris à masser... ce qu'il faisait réellement très bien (notre gynécologue lui demandait de masser son épouse après son accouchement
et le recommandait auprès de ses confrères). Enfin, tout ceci cher Monsieur, pour vous situer le 'personnage' !
C'était vraiment 'quelqu'un' mon père !
Excusez-moi d'avoir été aussi 'longue', juste pour vous envoyer une photo... SA photo, mais je voulais que vous fassiez un peu sa connaissance,
de façon à vous le rendre un peu moins impersonnel.
Je vous souhaite une excellente soirée. Bien à vous,
Nelly GODENS.
Fontaines de Bruxelles.
LES FONTAINES DE BRUXELLES (2) :
LES FONTAINES ANSPACH ET ORTS
La fontaine de Jules-Victor Anspach.
Situation actuelle : La fontaine Anspach est aujourd’hui située au quai aux Briques, à l’extrémité du quai au Bois à Brûler.
Photo n° 1
Pierrot Heymbeeck, février 2017.
Historique : Ce monument fut érigé, en 1897, non sur une éventuelle « place Anspach », comme on aurait pu le penser, mais sur la place…De Brouckère ! Charles De Brouckère et Jules Anspach ont en commun, il est vrai, le fait d’avoir été tous deux bourgmestre de Bruxelles. A la mort de Jules Anspach, en 1879, il fut décidé de lui élever un monument, à savoir une fontaine. Mais il fallut toutefois attendre près de 30 ans pour que la fontaine Anspach fut enfin érigée sur ce qui est encore aujourd’hui, la place De Brouckère. Cette place bruxelloise, maintes fois saccagée et martyrisée, devait finalement perdre son fleuron en 1973, du fait des travaux réalisés pour la construction du métro. En 1981, on décida néanmoins de déplacer la fontaine, partiellement reconstituée, au quai aux Briques.
Photo n° 2
Source : BRUXELLES 1000 ans des Bruxellois et de leur riche passé.
Description : La fontaine Anspach fut érigée, en 1897, sur base du projet d’Emile Janlet et de Paul De Vigne. C’est un monument en pierre calcaire, granit rouge et pierre bleue, pourvu de sculptures en bronze et de bas-reliefs en marbre. Plus précisément, il s’agit un obélisque en granit d’Ecosse (ou de Suède), couronné par un saint Michel terrassant le dragon en bronze doré (Pierre Braecke).
Le monument est orné de :
-quatre écussons symbolisant les serments des escrimeurs, des arbalétriers, des archers et des arquebusiers ;
-d’un médaillon de marbre blanc représentant Jules Anspach surmonté d’un coq, emblème de la vigilance ;
-de deux statues allégoriques féminines (Julien Dillens), qui siègent à la base de l’obélisque : l’une symbolise la magistrature communale et tend dans une main, un gouvernail et de l’autre, serre un serpent, symbole de la prudence ; l’autre, sous la forme d’une nymphe accroupie sous une voûte, figure la senne envoûtée (Paul Devigne), les travaux de voûtement de la Senne ayant été entrepris et menés à bien sous l’administration de Jules Anspach, entre 1867 et 1871.
Ajoutons qu’à l’origine, l’eau de la fontaine était crachée par une demi-douzaine de chimères (Godefroid De Vriese ou Devresse), mais lors de son déménagement, en 1981, la fontaine a perdu sa partie inférieure, et seules quatre chimères l’entourent encore aujourd’hui, les deux autres ayant été installées à l’autre bout du quai, au bord du deuxième petit bassin.
Le bourgmestre Jules Anspach : Si la fontaine Anspach fut élevée, originellement, place De Brouckère, c’est parce que ce avait été le promoteur de la rénovation du bas de la ville. Jules-Victor Anspach naquit à Bruxelles, le 20 juillet 1829. Bourgmestre bâtisseur, surnommé le « Hausmann bruxellois » (en réalité cette dénomination s’applique à l’architecte Léon Suys, auquel on doit l’essentiel des grands travaux réalisés à l’époque de Jules Anspach), il appartenait à une vieille famille calviniste originaire de Suisse, Son grand-père, Isaac Salomon Anspach, citoyen de Genève et pasteur, dut, pour des raisons politiques, s’exiler à Bruxelles, de 1784 à 1791. François Anspach, fils d’Isaac Salomon et père de Jules, vint à son tour s’établir à Bruxelles, pour ses affaires : il fut ainsi notamment cofondateur puis directeur (en 1840) de la Caisse Hypothécaire et administrateur de la Banque de Belgique. Il fut aussi conseiller communal et député.
Le jeune Jules Anspach, muni d’un diplôme de docteur en droit décroché à l’Université libre de Bruxelles (ULB), fut, comme son père, attiré par la politique. Il fut nommé conseiller communal en 1857, à l’âge de 28 ans, et échevin de l’Instruction Publique, dès 1858. Le 15 décembre 1863, il fut amené à remplacer le bourgmestre André-Napoléon Fontainas, mort inopinément durant l’été de cette même année. Il devait assumer cette charge jusqu’à sa mort, en 1879. Bruxelles était, à cette époque, dans un état déplorable (qui n’était sans doute pas sans rappeler son état actuel, Grand-Place exceptée…), mais les grands travaux d’Anspach allaient permettre d’élever Bruxelles au niveau des autres capitales européennes, tout en préservant l’essentiel de la ville ancienne.
Jules Anspach n’est donc nullement responsable de la destruction des quartiers historiques de la ville, entrepris essentiellement dans le courant du 20e siècle, on pense notamment à la monstrueuse « jonction Nord-Midi ». On doit, au contraire, au bourgmestre Anspach, le percement des boulevards centraux (1871), la construction du palais de la Bourse (1874), l’aménagement du quartier de Notre-Dame-aux-Neiges, les prolongements de l’avenue Louise, de la rue de la Régence et de la rue Belliard, le Parc du Cinquantenaire, mais surtout, le voûtement de la Senne (1867). De fait, la ville croupissait alors littéralement dans la vallée de la Senne et s’en trouvait accablée par les maladies et l’insalubrité. Plusieurs épidémies de choléra avaient fait des milliers de victimes dans la population la plus pauvre des « bas-quartiers ».
On peut dire que Jules Anspach se tua littéralement à la tâche pour faire de Bruxelles la ville formidable qu’elle fut et dont elle n’est plus qu’aujourd’hui que l’ombre. Epuisé, le bourgmestre Anspach rejoignit son frère, Eugène Anspach, qui possédait une maison de campagne à Etterbeek, le pavillon de Linthout. Le lendemain de son arrivée, soit le 19 mai 1879, il devait succomber à un coma diabétique (crise d’urémie ?). La nouvelle de son décès consterna toute la ville qui, consciente de l’œuvre immense accomplie pas son bourgmestre, lui offrit des funérailles grandioses. Nombreux sont les simples citoyens bruxellois, et notamment parmi les plus humbles, qui vinrent lui rendre hommage.
Plusieurs lieux de Bruxelles rappellent la personne de Jules Anspach :
-Jules-Victor Anspach naquit rue de l’Ecuyer, 33-35.
-Jules Anspach vécut dans une maison, aujourd’hui détruite, de la rue des Sables (n°18).
-C’est dans la maison du n°4 de la rue du Persil (face à la place des Martyrs) que mourut le père de Jules Anspach, François-Louis Anspach (1784-1858). Jules Anspach y avait ses bureaux en 1850.
-En 1863, on note que Jules Anspach demeurait au n°9 de la rue des Minimes. La maison qui y était à cette époque a été détruite lors de la restructuration du quartier.
-C’est au Palais du Midi (boulevard Maurice Lemonnier / avenue de Stalingrad) qu’on organisa, le 30 juin 1878, un grand banquet en l’honneur de Jules Anspach. Cinq mille militants libéraux y furent invités.
Un mot sur le boulevard Anspach : En 1871, un boulevard fut créé dans le centre-ville. On le nomma d’abord « boulevard Central », avant de le rebaptiser du nom de Jules Anspach, en 1879. Nous passerons amèrement sur la jolie description du boulevard Anspach que nous faisait, en son temps, Jean d’Osta : celle-ci fait désormais partie d’un passé révolu… Le boulevard s’étend toujours bel et bien entre la place De Brouckère et la place Fontainas, mais il n’est plus aujourd’hui que l’ombre de ce qu’il fut jadis. D’ailleurs, peut-on encore parler de « boulevard » puisqu’il est à présent inclus dans ce que le politique nomme bizarrement un « piétonnier » qui n’est, en réalité, qu’une zone non-aménagée, interdite à la circulation automobile, et que désertent massivement habitants et commerces. Soit.
Mais qu’existait-il à cet endroit à l’origine ? Entre 1604 et 1869, une ancienne rue des Bateaux, sise entre la rue de l’Evêque et le Marché-aux-Poulets, accueillait un marché au Poisson. Celui-ci y avait été établi en 1604 à l’emplacement d’une ruelle répugnante et fréquentées par la truanderie : la Petite rue des Bateaux, située en bordure de Senne. Est-ce à dire que le boulevard Central (futur boulevard Anspach), été tracé sur l’ancien lit de la Senne ? L’assiette du boulevard actuel repose effectivement sur le double voûtement construit de 1868 à 1871 (à sec depuis 1955, suite au détournement de la rivière). Le lit primitif de la rivière, très sinueux, ne coïncidait cependant pas du tout avec le tracé rectiligne du boulevard (Jean d’Osta).
Quoiqu’il en soit, c’est le boulevard central de 1870 qui devait consacrer la technique nouvelle de l’habitation urbaine bruxelloise. C’est par elle que la population bruxelloise atteint rapidement le million d’habitants. Que reste-t-il aujourd’hui de la gloire passée de cette artère bruxelloise qui ne fut rien moins que légendaire ? La Bourse (dont nous ne traiterons pas ici l’histoire de l’emplacement, qui mérite un texte particulier, rapport notamment à l’ancien couvent des Récollets) et quelques anciens édifices :
-N°s 56-58 : Immeuble construit en 1939 pour les brasseries Wielemans-Ceuppens, par l’architecte Adrien Blomme. Jadis, un café célèbre était établi à cet endroit : « Aux Armes des Brasseurs ».
-N°s 59-61 : Immeuble conçu par Gérard Bordiau, en 1872. Il est orné de cariatides que l’on doit à Julien Dillens.
-N°85 : Immeuble qui abrita l’ancien cinéma Pathé Palace. On le doit à l’architecte Paul Hamesse. La salle du Pathé Palace, ouverte en 1913, pouvait accueillir 2500 personnes. C’était la plus grande salle de cinéma de Bruxelles.
C’est là à peu près tout ce qui subsiste de la brillante artère bruxelloise de jadis…
La fontaine d’Auguste Orts.
Situation actuelle : Coin de la rue Auguste Orts et de la place de la Bourse (coin coupé de l’ex-Hôtel Central, actuel Hôtel Marriott- Grand-Place).
Historique et description : En 1888, au coin de la rue Auguste Orts et de la place de la Bourse, on édifia une fontaine en pierre élevée sur base des plans de l’architecte Beyaert. On peut voir, surmontant la fontaine, le buste d’Auguste Orts, œuvre du statuaire Vinçotte.
Une inscription détaille les titres dont fut gratifiés Auguste Orts :
Bâtonnier de l’Ordre des Avocats à la Cour de Cassation
Professeur à l’Université Libre
Echevin de la Ville de Bruxelles
Président de la Chambre des Représentants
Ministre d’Etat
Grand Officier de l’Ordre de Léopold
Né à Bruxelles le 7 avril 1814 . Décédé le 3 novembre 1880
Il est dit qu’une seconde fontaine aurait dû être édifiée sur le coin d’en face.
L’échevin Auguste Orts : Né à Bruxelles, le 7 avril 1814, Auguste Orts appartenait à une très ancienne famille issue des sept lignages de Bruxelles. Il fit de brillantes études de droit à Liège et, enfant surdoué, il les termina à l’âge de 19 ans. Franc-maçon, membre de la loge bruxelloise « Les Amis philanthropes » (ou « Amis du Progrès »), premier député de sa loge auprès du Grand Orient, il fut avocat à la Cour de cassation, jurisconsulte, historien, professeur d’économie politique à l’Université Libre de Bruxelles (1838-1860) et ministre d’Etat (1879). Homme politique libéral, Auguste Orts représenta l’arrondissement de Bruxelles à la Chambre (1848-1880) et présida cette assemblée de 1859 à 1860. Il fut également conseiller communal de Bruxelles de 1856 à 1880 et exerça l’échevinat du Contentieux, de 1869 à 1873, sous le mandat de son ami, le bourgmestre Jules Anspach (est-ce un hasard si la rue Auguste Orts est perpendiculaire au boulevard Anspach, les deux bâtisseurs se trouvant ainsi réunis dans la toponymie bruxelloise ?). Parallèlement à ses vies professionnelle et politique, Auguste Orts mena une carrière d’écrivain. Il fut ainsi l’un des rédacteurs du journal L’Observateur (1835-1842) et collabora avec de nombreux autres journaux. Il fut l’un des fondateurs d’un recueil de jurisprudence : La Belgique judiciaire (1843), mais écrivit aussi des ouvrages patriotiques et anticléricaux. On retrouve encore Auguste Orts au n°40 de la rue des Minimes, où il habitait en 1868. Auguste Orts est décédé à Bruxelles, le 3 novembre 1880.
Un mot sur la rue Auguste Orts : C’est en 1877 que l’on créa la rue Auguste Orts, soit bien avant la rue Antoine Dansaert, qui la prolonge aujourd’hui jusqu’à la Porte de Flandre. Cette large rue de 90 m a pris la place d’un pont sur la Senne (situé à hauteur de l’ex-Hôtel Central, actuel Hôtel Marriott-Grand-Place , et d’une petite rue qui reliait jadis la place des Récollets (moitié sud de l’actuelle place de la Bourse) à la rue des Poissonniers. Ce pont et cette rue portaient alors le nom d’une famille, les Middeleer. Le père Middeleer, riche industriel, acheta en 1796, à la faveur de la Révolution française, le grand jardin de l’ancien couvent des Récollets (ou Frères mineurs de la Récollection). Le domaine des religieux venait d’être morcelé et leur église…transformée en marché au beurre ! Et sur les jardins conventuels de la rive gauche, M. Middeleer établit une fabrique.
Mais ce sont ces héritiers qui, en 1835, percèrent une rue qu’ils bordèrent de maisons semblables, et firent construire, à leurs frais, sur la Senne, un point sans péage. Ils espéraient bien que la Ville prolonge leur rue jusqu’à la Grand-Place, à travers, notamment, les ruines du couvent. Ce fut en vain : rue et pont périclitèrent dans un quartier qui resta pauvre et, selon les mots du conseiller Bochart (1848) « indigne » des belles réalisations des Middeleer. En 1868, on décida donc…de tout raser, le quartier « indigne » et les « belles réalisations » des Middeleer ! Et c’est donc en 1877 que l’on traça la rue Auguste Orts que le bon peuple de Bruxelles appela longtemps…la « nouvelle rue Middeleer » !
On développa dès lors la nouvelle artère de la manière la plus bourgeoise. On y édifia de beaux et grands immeubles. On y établit des cafés, des restaurants plus ou moins fastueux et très fréquentés par les habitués de la Bourse voisine. Mais ce sont surtout les théâtres qui firent la renommée de la rue Auguste Orts.
Citons :
- Le Théâtre de la Bourse (n°1), inauguré en 1885, il occupait une partie de l’ex-Hôtel Central (actuel Marriott-Grand-Place) mais brûla complètement en 1890;
-L’Olympia (n°7), inauguré en 1897, ce petit café-concert devait se transformer ultérieurement en un vrai théâtre : le Théâtre-Concert de l’Olympia. C’est à l’Olympia que fut jouée, le 10 mars 1910, la première du Mariage de Mlle Beulemans. En 1930, le théâtre de l’Olympia devint le cinéma Ambassador, qui fut longtemps consacré aux films pour enfants (je l’ai également fréquenté !), avant de disparaître à son tour.
-Le Poulailler (n°4), fut un cabaret renommé durant les années 1930-1940. Il était animé par un humoriste du nom de Marcel Antoine, dit « Slache », et par sa pianiste, Christiane.
-La Brasserie Flamande (n°16) qui n’avait d’ailleurs de « flamande » que le nom et le style de la décoration intérieure, également agrémentée de tableaux muraux représentant des vues du Vieux Bruxelles. L’établissement offrait le service de salles pour réunions et banquets. Après la seconde guerre mondiale, cet établissement connut encore quelques heures de gloires, grâce à son chef Matagne, puis vint le jour où il se transforma en dancing, puis en snack-bar… La grande salle de la vieille Brasserie Flamande, fut aménagée en théâtre par un acteur populaire du nom de Darman. Nouveau Théâtre de la Bourse, il ne survécut pas longtemps au décès de Darman, survenu en 1959. En février 1965, il devait devenir le Beursschouwburg, réellement flamand celui-là, et donc ouvert aux productions des cercles flamands d’art dramatique.
Ajoutons que l’on trouve aussi un hôtel dédié à la mémoire de l’échevin bruxellois : le Orts Hôtel, situé au coin de la rue Auguste Orts et de la rue des Poissonniers.
Eric TIMMERMANS
Sources : Dictionnaire d’histoire de Bruxelles, sous la direction de Serge Jaumain, Prosopon, 2013, p.36 et 40-41, p. 93-94, p. 597 / Dictionnaire historique et anecdotique des rues de Bruxelles, Jean d’Osta, Le Livre, 1995, p.18-22, p.242-244 / Ils ont choisi Bruxelles, Daniel-Charles Luytens, Noir Dessin Production, 2004, p.11, P. 227, p. 244-245 /Fontaine Anspach, www.ebru.be, 2016 / Centre historique de Bruxelles : les fontaines, www.horizon-nomade.com
Fontaines de Bruxelles (3)
LES FONTAINES DE BRUXELLES (3) :
LE MENNEKEN PIS, WOLTJE ET LE SIEGE DU THEÂTRE DE TOONE…
Deux ketjes, un théâtre et une fontaine… (Pour les termes bruxellois, voir (*) en gras).
Allez, cette fois vous vous dites que le Timmermans là, il est vraiment devenu complètement zot ou qu’il est une fois encore zat pour sortir de pareilles zieverderâ ! Parce que bon, quand même : qu’est-ce que c’est que cette histoire de Menneken Pis –mo wie is da ? Le frère de l’autre, peut-être ?- et qu’est-ce que ça vient faire ici, dans une histoire des fontaines de Bruxelles ? Et l’autre là, le Woltje et son théâtre de Toone, c’est peut-être une fontaine lui aussi, en wa nog ? Mo wa des da voor en stûût ? Astableef !
Eh bien non, je ne suis ni zot ni zat (du moins au moment où j’écris ces lignes !), mais quand on voit comment on traite notre Théâtre de Toone, l’âme de Bruxelles, il y a de quoi se prendre une sérieuse doef et terminer schijle zat au Marais, chez notre ami Yves Moens, en son stameneï de la rue du Marais n°3 (Yves, encore une Corne, astableef) !
Nous vous avons déjà présenté l’histoire de Toone et de son théâtre de marionnettes sur Bruxelles Anecdotique ( http://bruxellesanecdotique.skynetblogs.be/archive/2012/11/17/toone.html ) et nous avions également donné l’alarme lorsqu’en 2016, le politique avait voulu raboter voire supprimer la subvention de Toone ( http://bruxellesanecdotique.skynetblogs.be/archive/2016/02/25/la-victoire-de-woltje-85737599. ).
A cette occasion et malgré une victoire obtenue grâce aux 16.000 signataires de la pétition de soutien à Toone, nous recommandions la plus grande prudence et la plus extrême vigilance : on pouvait s’attendre à d’autres écueils – pour ne pas dire plus…-, de nature peut-être plus sournoise mais aussi plus efficace… En bruxellois, on nomme un sournois haamelaaik et un manipulateur/magouilleur, froesjeler…ceci dit, à des fins strictement didactiques, cela va sans dire…
Nouvel assaut contre Toone, immobilier cette fois (ben voyons)…
Mais justement, nous ne croyions pas si bien dire… Il suffit de se rendre aujourd’hui à la rue du Marché-aux-Herbes, devant l’impasse Sainte-Pétronille –j’étais au théâtre, avec deux autres supporters de Toone, le samedi 4 mars, pour y voir Cyrano de Bergerac, mo wé, fieu !-, pour comprendre pourquoi Toone est susceptible de déranger, pour ne pas dire qu’il dérange franchement...
C’est que juste à côté, on est en train de construire un véritable complexe d’appartements, de commerces et de bureaux… Et il semble que d’autres projets du même genre sont prévus dans cette vieille artère bruxelloise, du coup elle-même menacée par le modernisme triomphant. J’imagine le prix d’un nouvel appartement sis à la rue du Marché-aux-Herbes ! On parle aussi, semble-t-il, de l’installation d’une banque…
Alors on peut penser que certains ne voient dans le Théâtre de Toone qu’un vieux bucht dérangeant, un brol juste bon à mettre au bac ! Oui, mais voilà, il y a toujours Toone VII et VIII – les Géal père et fils donc-, leur équipe, leur supporters, la subvention (pour le moment du moins : à tenir à l’œil !) et les 16.000 signataires de la pétition. Pas facile à déloger ces Toone ! Et en plus, potferdeke de potferdeke, la maison et les arcades géminées de l’impasse ont été classées en 1997, pas moyen de foutre carrément un bulldozer là-dedans !
Qu’à cela ne tienne, ont dû se dire certains, on va contourner l’obstacle, en envahissant la cour intérieure et en coupant pratiquement le Théâtre de la rue Marché-aux-Herbes (n°s 66-68, impasse Sainte-Pétronille). Et voilà Toone et ses marionnettes presque emmurés dans leur théâtre et leur stameneï, avec quasi pour seule issue l’impasse Schuddeveld.
Celle-ci débouche sur la Petite rue des Bouchers (n°23) où le touriste de passage connaîtra bientôt toutes les difficultés possibles, pour peu même qu’il en connaisse l’existence, pour trouver la minuscule impasse Schuddeveld.
De quoi étouffer financièrement le théâtre et le stameneï de Toone ?
Toone et l’ADIPB ou la résurrection du Brusseleir !
- Bon, allez, Ricske, d’accord, on est de tout cœur avec Toone auquel, disons-le, seuls des smeerlapen peuvent vouloir du mal, mais tu nous as toujours pas dit ce que ce Woltje et ce Menneken Pis viennent faire dans cette histoire ?
- M’enfin, quand même, vous savez pas ça, dommeriks ? Mais Woltje et le Menneken Pis sont deux ketjes de Bruxelles ! Et ensemble ils défendent le Théâtre de Toone ! Woltje est indissociable de Toone, comme le Menneken Pis est indissociable de Bruxelles ! Et comme Toone, c’est l’âme de Bruxelles…
- Oïe, oïe, Ricske, tu nous agaces avec ton Menneken Pis, zenne ! Tu veux dire le « Manneken Pis » ! Dis, fieu, tu peux pas parler comme un vrai Bruxellois, non ?
- Awel merci ! Heureusement que Pierrot ne vous a pas entendu, zievereirs ! Car là, vous ne feriez pas les fafoules longtemps avec votre histoire de « Manneken Pis » et vous attraperiez fameusement dans votre pantalon de lui ! En na zwaagt en koechkes !
Je vais vous expliquer l’histoire du Menneken Pis devenu Manneken Pis, mais auparavant, je vais encore une fois évoquer Toone où la résistance au saccage moderniste et immobilier du Vieux Bruxelles se poursuit avec, notamment, l’aide des étudiants de l’ADIPB (Académie pour la Défense et l’Illustration du Parler Bruxellois). Ce sont des jeunes gens qui travaillent à la préservation et à la promotion du parler bruxellois, du brusseleir quoi ! Durant une soirée, ces étudiants déclament des textes et des sketches en brusseleir. Dès qu’on a le programme, on vous tient au courant !
Alors que ceux qui croient pouvoir dire que Toone et ses marionnettes sont kapot arrêtent un peu de faire leur dikkenek, avec leur zuur smoel qui semble dire à tout le monde qu’ils peuvent faire de leur jan comme ils veulent à Bruxelles ! Et qu’ils se le tiennent pour dit : Woltje est toujours debout et bien debout ! Non, peut-être ! En dat in a kas !
(*) Petit lexique bruxellois pour la compréhension du texte :
- Astableef : S’il te plait ! Peut être utilisé dans le sens d’un remerciement, mais peut aussi être utilisé comme exclamation signifiant : « mais que va-t-on encore essayer de me faire croire » ou « non, mais ils ne doutent de rien, vraiment ! ».
- Attraper dans son pantalon : Se faire réprimander.
- Awel merci ! : Eh bien, merci ! Dans le sens : « eh bien, c’est du propre, ça alors ! ».
- Bac : Poubelle. « In de bac », dans la poubelle.
- Brol : Machin, truc.
- Brusseleir : Bruxellois parlant le dialecte bruxellois. Aussi utilisé comme qualificatif : ce qui est « brusseleir ».
- Bucht : Vieilleries, rebut.
- Dikkenek : « Gros cou », prétentieux.
- Doef : Cuite.
- Dommerik : Idiot.
- En dat in a kas ! : « Et ça dans ton armoire/dans ta caisse ! ». Signifie : « Prends ça ! Voilà pour ta pomme ! ».
- En na… : Et maintenant…
- En wa nog ? : « Et quoi encore ? », dans l’idée « mais qu’est-ce qu’ils vont encore aller chercher, faire ».
- Fafoule : Trublion, agité.
- Faire de son Jan : Faire le malin, se croire tout permis.
- Fieu : Vieux, dans le sens « dis, mon vieux.. »
- Froesjeler : Magouilleur, manipulateur.
- Haamelaaik : Hypocrite, sournois.
- Ketje (s) : Petit garçon, genre de Gavroche bruxellois ; sans le diminutif, un ket.
- Koechkes : Se tenir coi, tranquille.
- Mo wé : Mais oui.
- Mo wa des da na voor een stûût ? : « Mais c’est quoi ça maintenant pour une histoire ? ».
- Mo wie is da ? : “Mais qui est ça ?”, mais qui est-ce donc ?
- Oïe, oïe ! : Peut exprimer divers états d’esprit, qui vont de l’embarras à la lassitude, ne passant par l’étonnement, l’exaspération et l’aveu d’impuissance.
- Potferdeke : Nom d’une pipe.
- Ricske : Diminutif d’Eric.
- Schijle Zat : Complètement saoûl.
- Smeerlapen : Saligauds.
- Stameneï : Estaminet.
- Stuut : Un événement d’apparence invraisemblable.
- Zat : Saoûl.
- Zenne : Hein ! Sais-tu ! Tu sais !
- Zievereirs : Radoteurs, des gens qui racontent des sottises.
- Zieverderââ : Sottises.
- Zot : Fou.
- Zuur Smoel : « Figure de vinaigre », visage antipathique.
- Zwaagt ! : Se taire, « boucle(z)-la ! ».
Pour en savoir plus sur les termes et les tournures de phrase en bruxellois (thiois ou/et francophone) :
Quand Brusseleirs et Bruxellois défendent leur ville ensemble.
Un jour que je me trouvais dans un restaurant thaïlandais d’Etterbeek, j’en vins à discuter avec quatre jeunes filles qui me dirent être originaires de divers pays d’Europe centrale, Union européenne oblige. Et elles me demandèrent d’où j’étais moi-même originaire. A quoi je leur répondis, non sans une petite pointe de zwanze (forme d’humour bruxellois) : « moi, je suis un Native ! » (à la manière des Amérindiens !). Et elles de s’exclamer, apparemment ravies de cette découverte ethnologique, que c’était bien rare d’en rencontrer !
Partant de cette amusante anecdote et au vu de ce qu’est Bruxelles aujourd’hui (sans parler de ce que notre ville est en train de devenir, passons…), peut-être vous direz-vous que savoir si le nom du « plus ancien bourgeois de Bruxelles » (dans le sens d’habitant, natif de Bruxelles-Pentagone), comme on l’a parfois appelé jadis, doit se prononcer Menneken Pis ou Manneken Pis, n’a plus vraiment ni sens, ni importance.
Si « Bruxelles Anecdotique », le blog de notre ami Pierrot Heymbeeck, sans qui nous ne pourrions apporter notre petite pierre à la préservation de l’ancienne mémoire bruxelloise, était un blog sociologique ou faisant la promotion de l’art contemporain, peut-être auriez-vous raison, encore que… Mais le blog «Bruxelles Anecdotique » a pour but de préserver la mémoire du Vieux Bruxelles et de faire connaître une image spécifiquement bruxelloise, enracinée, de notre ville et, dans ce cas, lorsque j’évoque le Manneken Pis, Pierrot a parfaitement raison de me reprendre en me disant : « Non, mille fois non, men, les vrais bruxellois disent « Menneken Pis », et non « Manneken Pis » qui est une prononciation flamande, voire néerlandaise, reprise par les Belges francophones et les touristes ! »
http://bruxellesanecdotique.skynetblogs.be/archive/2009/08/21/menneke-pis.html
La fontaine du Menneken Pis.
De fait, même si l’on ne peut plus, de nos jours, limiter la notion de « vrais Bruxellois », aux seuls Brusseleirs (natifs de Bruxelles parlant le bruxellois thiois), susceptibles de constituer, aujourd’hui, une découverte ethnologique ( !) bien plus rare encore que le Bruxellois francophone que je suis, il n’en n’est pas moins vrai que la remarque de Pierrot est pertinente.
Nous allons donc suivre brièvement la trace de notre Ma… Menneken Pis –que l’on prononce généralement Menneke Pis (« mais-ne-ke-pisse »)- à travers les âges, histoire de faire mieux comprendre au lecteur l’évolution de la population de Bruxelles, au cours des siècles, notamment du point de vue linguistique (mais sans entrer, je vous rassure, dans je ne sais quelles querelles politico-communautaires typiquement belges donc nous n’avons que faire ici, au moins allons-nous tenter d’éviter l’écueil !).
Notre ketje de Bruxelles sera donc, en quelque sorte, notre guide ! Mais d’abord, rappelons que le Menneken Pis est une fontaine dont l’origine, il est vrai, est quelque peu obscure. Nous n’allons toutefois pas refaire tout l’historique du Menneken Pis, vu que nous avons déjà écrit abondamment sur lui :
http://bruxellesanecdotique.skynetblogs.be/archive/2014/04/21/menneken-pis.html
On ne sait à quelle date exacte le Menneken Pis « s’est établi » à Bruxelles, mais on sait que les fontaines reprenant les thèmes du personnage urinant (adulte ou enfant), du crachat, de la lactation et de la blessure qui saigne remontent à l’Antiquité. Non-loin du Menneken Pis, on trouve d’ailleurs la fontaine du Cracheur et jadis, existait aussi une fontaine des Trois Pucelles dont l’eau jaillissait des seins de plusieurs personnages féminins. Mais nous traiterons le cas de ces fontaines dans d’autres articles. On peut aussi citer le cas, sans en tirer pour autant des conclusions ésotériques, d’une figure alchimique (Jung), l’Urina puerorum, soit l’ « urine de l’enfant » qui, de toute évidence, renvoie à l’idée de fontaine de jouvence.
Il semble qu’un Menneken Pis existait déjà à Bruxelles en 1388. Un texte datant de cette époque signale l’existence d’une petite statuette de pierre à laquelle on donne le nom de Juliaenske (« Petit-Julien »), de même que d’une fontaine nommée Juliaenskeborre (« Fontaine du Petit-Julien »). Certaines sources évoquent même l’année 1377, sur la base d’un document des archives de Sainte-Gudule qui mentionne effectivement une fontaine…mais sans la nommer. D’autres sources contestent la localisation de la Juliaenskeborre à l’endroit où se tient la statuette actuelle du Menneken Pis et soulignent qu’elle se dressait bien plus loin, dans la Juliaenskeborrestraat, soit l’actuelle rue du Poinçon, près de la chapelle des Bogards.
Il faudra attendre l’époque bourguignonne pour que le nom du Menneken Pis apparaisse dans un acte, daté de 1452, sous la forme « dMenneken pist ». C’est que la petite statuette fétiche de Bruxelles servait alors de borne entre deux quartiers de la ville. La fontaine du Menneken Pis, est également citée en 1498. Le nom de Menneken Pist reviendra sur de nombreux documents publiés par la suite. Ceci dit, même si le petit monument que les touristes viennent contempler aujourd’hui a perdu le rôle qui était le sien dans l’ancien système de distribution d’eau potable de la ville, le Menneken Pis a toujours été et reste une fontaine.
C’est au 17e siècle que la statuette de pierre d’origine se voit remplacée par une statuette de bronze, vraisemblablement faite par Jérôme Duquesnoy l’Ancien, dont les deux fils, François et Jérôme le Jeune, étaient pourtant aussi en lice pour sa réalisation. François avait, semble-t-il, été choisi par son père, ce qui provoqua la jalousie de Jérôme le Jeune. Celui-ci, exécuté pour des faits de mœurs, aurait auparavant tué son frère François… Le conditionnel est ici de mise. Durant le bombardement de 1695, le Menneken Pis fut mis à l’abri, comme un objet particulièrement précieux. Ayant survécu au cataclysme, il verra sa gloire croître sans cesse, par la suite.
La plus ancienne représentation de la fontaine du Menneken Pis date, plus ou moins, de la même époque, soit le début du 18e siècle : on la doit à un certain Harrewijn et elle montre clairement la disposition d’origine de l’ensemble, soit une statuette perchée sur une colonne d’environ 1,70 m, détachée des murs. Mais la notoriété dont on gratifiera le Menneken Pis lui vaudra, au cours des siècles suivants, bien des ennuis ! Devenu le symbole d’une certaine résistance bruxelloise, il sera la cible de diverses attaques, sera enlevé, cassé même, avant de bénéficier enfin d’une paix relative, seulement troublée par le siège auquel le soumettent quotidiennement les hordes touristiques !
Au début du 20e siècle, existait encore dans la cour du n°16 de la rue des Alexiens (actuelle école Sint-Joris), une grotte dans laquelle, en ouvrant un robinet, on donnait au Menneken Pis de quoi faire pipi… De l’eau bien sûr…mais pas exclusivement ! Il fut un temps où, les jours de grande fête, le Menneken Pis arrosait son public favori de bière, de vin ou d’hydromel, ce qui donnait lieu, on s’en doute, à maintes libations et réjouissances populaires ! Ainsi, au cours de l’été 1890, le Menneken Pis délivra une première fois du vin et une seconde fois du lambic, un célèbre produit brassicole bruxellois (Quiévreux).
Brusseleirs et Bruxellois.
Si la fontaine du Menneken Pis a changé de fonction, au fil des siècles, la manière dont on perçoit le ketje de Bruxelles et jusqu’à son appellation, ont également évolué au gré des bouleversements sociologiques et démographiques qu’a connu notre ville au cours des dernières décennies. Passé du statut de « borne-fontaine » à celui de, très respecté « plus ancien bourgeois de Bruxelles » (dès la fin du 17e siècle), le Menneken Pis devint un véritable symbole de la ville, par la suite repris, pour ne pas dire récupéré, par l’échelon national belge, par exemple, sous les traits quelque peu caricaturaux d’un Menneken Pis mangeant des frites ! Ces dernières années, son caractère d’attraction touristique folklorique s’est affirmée, au rythme de l’internationalisation croissante de la Ville-Région de Bruxelles.
Comme nous l’avons vu, Menneken Pis est l’appellation la plus anciennement connue du ketje de Bruxelles, directement dérivée d’une graphie datant de la moitié du 15e siècle, « dMenneken Pist ». Soulignons toutefois que l’origine de la fontaine elle-même est incertaine et que son histoire est largement lacunaire. Rappelons également que ce qui a trait au Menneken Pis relève essentiellement de la tradition populaire orale et que son appellation elle-même est phonétique, autant dire que d’une époque à l’autre, mais aussi d’un quartier à l’autre, les appellations furent plus que probablement multiples.
Il n’en n’est pas moins vrai que le nom de Menneken Pis est le plus ancien connu et qu’il s’est perpétué dans une population bruxelloise restée longtemps majoritairement thioise, c’est-à-dire parlant une forme bruxelloise de brabançon thiois -terme que l’on prononce « tiwa » et non « ti-ho-hisse », comme je l’ai déjà entendu et qui est une traduction du thiois, diets - mais non le flamand de Flandre flandrienne, pas plus, forcément, que l’actuel « Beschaafd Nederlands » ou « ABN ».
Au fil de la disparition ou de la transformation des quartiers populaires bruxellois d’origine, les Marolliens sont restés, grosso modo, les derniers dépositaires du parler bruxellois ancien ou, à tout le moins, de l’une de ses formes, car le brusseleir n’est pas homogène. On doit également citer le bargoensch –on y retrouve la trace du « bourguignon », rapport, sans doute, à l’époque des ducs de Bourgogne ; il semble qu’à une époque, il fut le parler des mauvais garçons de Bruxelles qui voulaient, par ce langage « ésotérique », dissimuler leurs desseins…- et l’ancien dialecte de Molenbeek-Saint-Jean (Meuilebeik), une commune qui, si elle véhicule aujourd’hui une image médiatique assez négative, a joué un rôle historique important dans le développement de Bruxelles, notamment via la paroisse Saint-Jean dont dépendait, dès l’époque médiévale, l’hôpital Saint-Jean sis, jadis, place Saint-Jean.
Le « vrai bruxellois » (ou Brusseleir) d’un certain temps et ce jusqu’à nos jours, fut donc longtemps le natif de Bruxelles-Pentagone (2e enceinte), né de parents bruxellois (au moins !) et parlant une forme ou l’autre de brusseleir, notamment, le marollien. On distingue donc Bruxelles-Pentagone des territoires acquis par la Ville de Bruxelles, principalement au 19e siècle, aux dépens de certaines localités voisines et, bien évidemment aussi, des 18 autres communes qui constituent l’actuelle Région bruxelloise. Mais en quelques décennies, la configuration géoculturelle bruxelloise va être, comme nous le savons, profondément bouleversée.
Depuis des siècles, Bruxelles est une ville de première importance dans nos régions et au lendemain de la création du Royaume de Belgique, en 1830-1831, elle devient la capitale du nouvel Etat-national belge. Dès l’origine, celui-ci pratique une politique de francisation à outrance qui vise, espère-t-il, à établir une réelle « cohérence nationale », fut-ce aux dépens de la composante flamande/thioise du pays. A Bruxelles, c’est à cette politique belge, et non à la Révolution française (à quelques rares exceptions près), que l’on doit, par exemple, la francisation des noms de rues, parfois jusqu’à l’absurde (ex. : la « rue des Vers » venant du nom de famille « Pieremans »…).
Depuis des siècles, la population bruxelloise se répartit entre une élite minoritaire largement francisée et une population majoritairement thioise. Avec le temps, la population de langue française va s’accroître jusqu’à égaliser, puis surpasser démographiquement la population thioise (nous ne donnerons pas de calendrier, sachant qu’il s’agit là d’une source de conflit linguistique dans lequel, comme nous l’avons dit, nous ne souhaitons pas entrer).
Au lendemain de la seconde guerre mondiale et particulièrement dans les années 1960, ce que l’on appelle la Flandre, dont les frontières dépassent très largement, désormais, celles des vieilles provinces flandriennes, West-Vlaanderen et Oost-Vlaanderen, et qui deviendra bientôt la « Région flamande », va accroître sa résistance politique et culturelle contre ce qu’elle considère comme une « hégémonie francophone ». De leur côté, les francophones rétorquent en assimilant ce combat nationaliste flamand à un radicalisme qui, selon eux, prend au moins en partie sa source dans un certain collaborationnisme pro-allemand, remontant à la deuxième guerre mondiale, voire à la première. Nous éviterons d’entrer dans ce débat.
Bientôt, Flamands de Flandre et Bruxellois flamands (venus de Flandre ou thiois bruxellois ayant épousé la cause flamande), d’une part, Wallons et Bruxellois francophones (venus de Wallonie ou Bruxellois thiois francisés), de l’autre, vont se déchirer sur la question de Bruxelles. Les premiers considèrent Bruxelles (Brussel), comme leur capitale légitime. Les seconds font valoir que Bruxelles est francophone à 85 %, ce à quoi les Flamands rétorquent qu’il s’agit là d’une francisation récente, etc.
Disons-le, dans cette dispute, les Brusseleirs se retrouvent bien peu pour ne pas dire, pas du tout ! Si leur parler est d’origine thioise, ils ne se reconnaissent pas pour autant, pour la majeure partie d’entre eux, dans le combat flamand pour la défense du néerlandais à Bruxelles. Si l’on retrouve, dans le bruxellois marollien, un nombre plus ou moins important (selon les époques) de tournures ou de termes français/wallons, ils ne se reconnaissent pas non plus dans le combat bruxellois francophone qui s’articule sur deux axes : « Bruxelles, capitale d’une Belgique unitaire à dominante francophone » ou « Bruxelles, ville francophone » (voire française).
Menneken Pis, Manneken Pis, Petit Julien, Brusseleirs, Bruxellois : quel waterzooï !
Et c’est ainsi que le Menneken Pis s’est retrouvé pris entre deux feux : le Manneken Pis d’un côté et le Petit-Julien, de l’autre ! La référence au Menneken Pis est donc bien plus importante, dans l’histoire de Bruxelles, qu’il n’y paraît de prime abord. Elle témoigne d’un esprit de résistance des Brusseleirs confrontés à ce qu’ils considèrent comme deux formes d’hégémonie linguo-culturelle. « Manneken Pis » est le nom que l’on donne au Menneken Pis en « beschaafd nederlands », nom adopté d’ailleurs par les francophones qui veulent voir en ce ketje typiquement bruxellois un symbole de…l’unité belge (tout comme certains humoristes français croient encore que l’accent bruxellois est l’« accent belge »…qui n’existe pas). Des francophones plus pointus ont, eux, exhumé de certaines légendes du Menneken Pis, le nom de « Juliaanske », qu’ils ont traduit par « Petit Julien ». Mais nous avons vu que ce dernier et sa fontaine n’étaient vraisemblablement pas situés à l’endroit où le Menneken Pis satisfait, depuis des siècles, le besoin pressant que l’on sait…
Le lecteur comprendra donc peut-être mieux, suite à ces quelques explications, pourquoi les Brusseleirs soulignent l’importance de préserver le nom de Menneken Pis, aujourd’hui encore ! Soumis successivement et de manière incessante aux tentatives de francisation et de flamandisation (ou de « néerlandisation »), souvent expulsés, expropriés, supportant une pression immobilière constante dans un Bruxelles en pleine autodestruction urbaine (bruxellisation), sans véritable représentation politique, en proie à une internationalisation démographique qui a souvent suivi, puis accompagné, une large paupérisation de leurs quartiers d’origine, contraints d’accepter la récupération à des fins politiques de leurs symboles régionaux spécifiques, et jusqu’à leur accent, chassés, enfin, par les prix prohibitifs d’une ville désormais élevée, plutôt à tort qu’à raison, au rang de « capitale de l’Europe », jusqu’à voir les Marolles contraintes de céder progressivement la place à un « quartier Breughel » aseptisé, les Brusseleirs se sont souvent résignés à voir leur culture propre disparaître, à n’en parler plus qu’au passé, et même, finalement, à quitter la ville de leurs ancêtres.
Je suis moi-même le fruit de cette évolution puisque « vrai Bruxellois », je ne suis pas pour autant Brusseleir… Né rue du Marais (cf. : existence d’infrastructures médicales !), au cœur du Pentagone donc, de père anderlechtois (qui parlait le bruxellois/brusseleir, tout comme l’anversois d’ailleurs) et de mère ixelloise (francophone), je n’ai toutefois pas connu les anciens Bas-Fonds de Bruxelles (anéanti par le béton bien avant ma naissance, à quelques maisons et établissements près) et ne connais et n’use que de quelques tournures de phrase et de quelques mots bruxellois.
Mais si on ne peut plus limiter l’identité bruxelloise aux seuls Brusseleirs, réalité sociologique et démographique oblige, peut-on aujourd’hui se satisfaire d’une définition qui ne prendrait en compte que le fait d’être né en région bruxelloise, de père et de mère, eux-mêmes nés en région bruxelloise, et cela même si c’est appuyé par une généalogie paternelle, bruxello-brabançonne (je simplifie) remontant au début du 17e siècle, ce qui est mon cas ? Combien de gens qui, nés de parents eux-mêmes nés en région bruxelloise, se sentent aujourd’hui une affinité avec l’Histoire de Bruxelles, avec ses traditions, avec cette Héritage sans lequel Bruxelles n’existerait tout simplement pas ? Sans le sentiment d’appartenance historique, sans l’amour d’un certain Beau enraciné particulier, la naissance et la généalogie apparaissent secondaires. L’un doit forcément être le complément de l’autre.
En partant de la résistance du Théâtre de Toone et de la fontaine du Menneken Pis, nous avons tenté de dresser, pour le lecteur, pas forcément au fait de nos réalités régionales, un état des lieux de l’identité bruxelloise, en ce début de 21e siècle. J’ai évoqué les déboires de Toone, je pourrais aussi parler de la disparition de plusieurs établissements se rapportant au Menneken Pis : le Manneken (en face de la fontaine), aujourd’hui complètement vidé « pour rénovation » ; la Légende (rue de l’Etuve), ancien local des Amis du Menneken Pis, remplacé par un magasin de fringues ; le Manneken Pis (rue au Beurre), remplacé par un magasin de montres…
Je pourrais conclure en clamant que les combats les plus désespérés sont les plus beaux, ce qui est vrai, mais je ne vais pas terminer en faisant mon labbekak (mollasson, nouille, trouillard, geignard). Avec les Toone, leurs supporters résistent encore et toujours, comme un célèbre petit village gaulois, et ce n’est pas fini !
Un musée des costumes du Menneken Pis s’est ouvert à la rue du Chêne (n°19) récemment suite à une rénovation du Musée de la Ville de Bruxelles (Maison du Roi). Yves Moens organise, rue du Marais (n°3), notre base de repli, notre ermitage brassicole bruxellois, loin de l’invasion chocolatée qui enveloppe littéralement la Grand-Place (à croire qu’à Bruxelles on verse du chocolat fondu sur les frites) ! Et Pierrot tient ferme la barre de Bruxelles Anecdotique auquel je continuerai à apporter mon soutien épistolaire, dans la mesure de mes possibilités.
Venez-nous voir ou, à tout le moins, nous lire nombreux ! Avec nos ketjes, le Menneken Pis et Woltje, Brusseleirs et Bruxellois n’ont pas fini de leur faire tenir le fou (les enquiquiner), aux kluutzakken (couillons) qui nous voient déjà dans les poubelles de l’Histoire, ça je peux vous le dire, zenne !
Eric Timmermans.
Sources (autres que celles déjà citées dans le texte) : « Manneken-Pis – Dans tous ses états », M. Couvreur, A. Deknop, T. Symons, Historia Bruxellae, Musée de la Ville de Bruxelles, 2005 / « Les costumes de Manneken Pis » (brochure) / www.toone.be
La Garde Civique
LA GARDE CIVIQUE
Photo 1
Capitaine Georges LIGNIAN
Doc1
Photo 2
Georges LIGNIAN
Photo 3
Georges LIGNIAN
Roger Côme, nous raconte ;
Mon Bonpapa (le fils de Georges) était aussi à la Garde Civique, mais a été démobilisé au début de la guerre de 14, les allemands ne considérant pas la Garde Civique comme des soldats réguliers, mais comme des francs-tireurs à fusiller. Il m'avait dit que lors des défilés, les canons étaient tirés par des chevaux "civils" (dont les siens) Le problème était avec les chevaux de brasserie qui, passant devant un café de leur tournée régulière, s'arrêtaient; pour les faire repartir, il fallait donc faire un arrêt, rentrer au bistrot et.... Il parait que la fin du défilé avait une allure moins "martiale" qu'au départ! (zatte processe?)
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Merci à Guillaume pour les images ci-dessous
Photo offerte le 23 septembre 1894 au bourgmestre Charles Bulls par la sociétè centrale des Combattants volontaires de 1830.
La Senne & Notre Dame au Rouge
Voyage en barque autour du Quartier de Notre Dame au Rouge
( première parution le 3 novembre 2008)
Jean Baptiste VAN MOER
17/12/1819 – 06/12/84.
Le Bourgmestre Anspach lui commande 15 portraits de la Senne pour 57.000 francs, qui décoreront l'antichambre de son cabinet. On peut encore les y voir aujourd'hui.
Nul ne pourrait imaginer, en voyant ces toiles, que l'insalubrité de la Senne était à l'origine du voûtement. Mais par leurs précision photographique elles n'en on pas moins une grande valeur documentaire. Les inondations incessantes amenèrent le Bourgmestre Anspach, à assainir la ville une fois pour toute.
Jules Anspach, alors âgé de 34 ans, n'était certainement pas impopulaire, en raison notamment des mesures qu'il avait prisent pendant l'épidémie de choléra qui couta la vie de 3500 personnes en 1866.
15 VUES DE LA SENNE A BRUXELLES
Ci-dessous 10 vues parmi les 15 que J.B. VAN MOER a peintes vers 1870.
n° 1 - Vue prise du cabaret L’OURS en direction de la rue des Pierres
n°2 - Vue prise Le Moulin à Papier rue des 6 jetons
n° 3 - La Senne, vue de la rue de la Carpe, côté Ouest
n°4 Une partie du 1er Rempart de la ville de Bruxelles, vue de la rue de la Petite Ile.
n°5 La Senne, vue d'une maison dans la rue des Chartreux.
n ° - 6 La Senne vue de la rue de la Carpe, côte Est
n° - 7 Vue de la rue Middeleer sur le cabaret l'Ours.
n° 8 l'ancienne brasserie des Récollets
n°9 Une partie du 1er Rempart de la ville de Bruxelles, vue d'une maison au-dessus de la Senne.
n°10 Vue vers le cabaret l'Ours prise de la rue des Pierres.
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Merci à Andrée Bolsius pour cette image, qui représente la Chapelle de Notre Dame au Rouge.
Un dessin fait à l'encre de chine et daté de 1902. A mon avis il a été fait d'après (donc copié) une des photos des frères Ghémar en 1870.
Ecrit par Nicolas Luppens
Si Paris a la SEINE, Bruxelles a la SENNE
Depuis le voûtement de la rivière (en 1867- 1872), il n'y a plus dans notre capitale ni pont à franchir ni quai à arpenter.
La Senne, à laquelle Bruxelles doit son développement, s'écoule du Sud au Nord, depuis Soignie) en Hainaut, ou elle prend sa source, jusqu'en aval de Malines ou elle rencontre la Dyle qui elle-même rejoint le Rupel, affluant de l'Escaut.
Venant de Drogenbos, la Senne s'introduit en territoire Bruxellois à Anderlecht.
Son cours devient souterrain peu avant la gare du midi et retrouve la surface près du pont Van Prat à Laeken.
Ecrit par Léon Paris.
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Marché au Charbon
RUE DU MARCHE AU CHARBON
Au temps des processions.
Merci à Jacky Beckers, hélas dcd trop vite, pour les photos de la procession de la rue du Marché au Charbon.
Cette rue trace une ligne sinueuse de 350 m. entre l’arrière de l'Hôtel de ville et la place Fontainas.
Son prolongement naturel est la rue d'Anderlecht, car la rue du Marché au Charbon (ancienne voirie nationale) est un tronçon de la route séculaire vers Anderlecht et le sud-est.
Cette artère s'est formée à la fin du XIIIème siècle. On la appelée en latin Forum Carbonum et en flamand Colemerct.
Jean d'Osta DICTIONNAIRE historique et anecdotique des rues de Bruxelles, page 186.
Église Notre-Dame de Bon Secours de Bruxelles.
Plus d'infos :
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_Notre-Dame_de_Bon_Secours_de_Bruxelles
L'église du Bon Secours, organisait une très belle procession.
Après être passé devant la rue des Grands Carmes, les scouts s’apprêtent à dépasser la courte rue du Bon Secours.
Nous somme bien toujours, devant l’opticien du n° 72 de la rue du Marché au Charbon.
C'était la grand-mère de Jacky, qui était la responsable du magasin.
Fontaines de Bruxelles (4)
LES FONTAINES DE BRUXELLES (4) :
LES FONTAINES DE L’HÔTEL DE VILLE ET DE SES ENVIRONS
Les fontaines La Meuse et l’Escaut.
Lorsque, venant de la Grand-Place, on passe le porche surplombé par un saint Michel écrasant le Démon, on pénètre dans la cour intérieure (ou cour d’honneur) de l’Hôtel de Ville. On peut également y accéder par la façade arrière, via la rue de l’Amigo. Cette cour d’honneur a été créée, au cœur de l’Hôtel de Ville, lors de son agrandissement, réalisé au lendemain du bombardement de 1695. Son pavement est marqué d’une étoile à six branches qui indique le centre géographique de Bruxelles (Pentagone). Cette dernière est identique à celle de la place du Capitole, à Rome.
On remarque également deux fontaines de marbre rigoureusement symétriques encadrant la porte cochère située à l’arrière de l’Hôtel de Ville (côté rue de l’Amigo). Elles ont été sculptées, en 1714, par Johannes Andreas Anneessens (1687-1769). Chacune se compose d’une grande vasque semi-circulaire et est soutenue, à la base, par deux dauphins entrelacés. Ceux-ci, recevant l’eau du réservoir supérieur, alimentent par leurs gueules une deuxième vasque.
Chaque fontaine est surmontée d’une figure allégorique couchée et accoudée sur divers objets. Les deux figures allégoriques –des vieillards barbus- datent de 1715. Celle de gauche, œuvre de Jean Dekinder (1675-1739), représente la Meuse. Son bras droit repose sur une urne qui représente la source du fleuve et, de sa main gauche, elle tient un objet, placé derrière ses deux jambes. Celle de droite, œuvre de Pierre-Denis Plumier (1688-1721), représente l’Escaut. Ses mains sont libres et le bras gauche de la statue repose sur un enchevêtrement de pierres et de plantes qui, de toute évidence, représente aussi la source de ce fleuve. Les deux figures allégoriques sont encadrées par deux putti qui chevauchent des dauphins et animent la vasque supérieure de leurs jets d’eau.
Les fontaines des Lions Cracheurs.
Passons entre la Meuse et l’Escaut pour ressortir de la cour intérieure de l’Hôtel de Ville. Nous constatons que la façade arrière de ce dernier est agrémenté par deux lions cracheurs. Chacun d’eux est logé dans une niche cintrée pourvu d’un bassin de pierre bleue. De quand datent ces fontaines ? Jusqu’à la fin du 17e siècle, s’élevait à cet endroit l’ancienne halle aux Draps, construite en 1353, de même que la maison du Boterpot, qui s’élevait à côté de la halle aux Draps, au coin de la rue actuelle de la Tête d’Or. Le Boterpot avait un grand dôme bulbeux et la rue de l’Amigo était généralement nommée Boterpotstraat. Cet édifice ne nous est connu que par un seul dessin de la halle aux Draps, que l’on doit à Léon Van Heil le Vieux (15e siècle, Cabinet des Estampes). Au lendemain du bombardement de 1695, on décida d’édifier à la place de l’ancienne halle aux Draps, les bâtiments postérieurs de l’Hôtel de Ville de Bruxelles, soit un édifice en « U » qui s’unit aux deux ailes dudit Hôtel de Ville. Ce nouvel édifice encadrait la cour intérieure, incluant les statues allégoriques de la Meuse et de l’Escaut, et intégrait, dans sa façade donnant sur la rue de l’Amigo, les deux lions cracheurs précités.
Mars 2017.
Ces lions sont toutefois antérieurs à la construction du nouvel édifice. En effet, leur origine remonte au 14e siècle, soit à l’époque de la construction de l’Hôtel de Ville. L’origine de l’eau qui s’écoule de leur gueule alimente encore bien des polémiques entre historiens. Pour les uns, un lion crachait l’eau provenant de la Montagne des Géants, l’autre du « quartier de Bruxelles ». Pour les autres, l’eau était captée dans le quartier des Alexiens et jaillissait dans la fontaine de la cour d’honneur, pour réapparaître dans la gueule des lions. Aujourd’hui, l’eau qui s’écoule des deux lions provient de l’eau de la ville. Et ces étranges anneaux dont ils sont flanqués, que représentent-ils ? Eh bien ils rappellent le temps où des gobelets étaient attachés aux fontaines, tout simplement !
La fontaine Le Cracheur.
L’une des plus anciennes fontaines bruxelloises, à l’aspect de triton (au sens mythologique du terme), se situe au n°57 de la rue des Pierres (coin de la rue des Pierres et de la rue Marché-au-Charbon). Jadis, son eau coulait du Coudenberg et elle était déjà connue au 14e siècle sous le nom de « Fontaine bleue ». A l’origine, notre cracheur était adossé au Boterpot, déjà évoqué au point précédent et qui servait vraisemblablement de dépôt d’archives. Et donc, comme ce dernier et les archives de la Ville qu’il contenait, il fit les frais du bombardement de 1695.
Juin 2012 - Pierrot Heymbeeck
La Ville de Bruxelles devait partiellement la restaurer en 1704, puis en 1786 :
« La fontaine bleue était composée de plusieurs grandes coquilles, dans lesquelles tombaient de nombreux filets d’eau jaillissant d’un corps d’architecture assez remarquable. La maison ayant beaucoup souffert du bombardement, on remplaça la fontaine par un simple jet sortant d’un mascaron. En 1786, on l’orna d’un triton saillant, à mi-corps et entouré de joncs ; de là son nom de fontaine du Cracheur. » (Bochart).
« La fontaine qui crache son eau claire au coin de la rue des Pierres n’a pas toujours eu l’aspect que nous lui connaissons. Ce triton généreux qui jaillit à mi-corps parmi les joncs fut placé là par Fisco, architecte de la Vill, en 1786. Il y a détrôné un mascaron qui y avait remplacé lui-même plusieurs coquilles de pierre connue depuis le XIVe siècle sous le nom de « Fontaine Bleue » ou « Fontaine derrière la Halle. » (Renoy).
Mais qui peut donc bien être cet étrange triton cracheur ? La légende rapporte que des bourgeois de Bruxelles, constatant la disparition de leur fils matelot, se mirent à sa recherche. Ils le trouvèrent mort en ces lieux. Il fut dit qu’il avait par trop abusé du vin qui jaillissait des seins des Trois Pucelles de la fontaine du même nom et située non loin de là (au carrefour des rues du Marché-aux-Herbes, du Marché-aux-Poulets, des Fripiers et de l’actuelle rue de Tabora) ! En mémoire de leur fils, ces riches bourgeois firent ériger la fontaine du Cracheur à titre de monument expiatoire de leur malheur.
Autres fontaines de la Grand-Place et de ses environs.
Nous avons évoqué, dans un texte précédent, la fontaine d’Egmont et de Hornes qui se dressait jadis devant la Maison du Roi, de même que la fontaine éphémère édifiée sur la Grand Place, pour la célébration du 25e anniversaire du règne de Léopold Ier :
http://bruxellesanecdotique.skynetblogs.be/archive/2017/01/29/fontaines-de-bruxelles-8695024.html
Afin de compléter notre information, rappelons qu’au 17e siècle, après le bombardement de 1695 donc, « plusieurs autres fontaines, parmi les plus anciennes comme celle de la rue des Foulons (Vollestraat) sont profondément modifiées et sont ornées de décors en métal, parfois même sous la forme de statues, figurant saint Michel (au Marché-aux-Herbes) ou sainte Gudule (fontaine de Magnus au Marché-au-Bois), pouvant être rehaussées d’or. L’une d’entre elles, celle du Marché aux Herbes, aussi appelée fontaine des Satyres, était d’ailleurs l’œuvre [de] Duquesnoy. Manneken Pis était donc en bonne compagnie ! Le motif des fontaines anthropomorphes n’était pas –on l’a vu- étranger à Bruxelles : les Trois Pucelles, le Cracheur, mais aussi la grande fontaine de la Grand-Place, du XVIe siècle [ndr : 1564], ornée de trois femmes et quatre hommes particulièrement dénudés (ces décors, s’ils ont été réalisés, semblent avoir déjà disparu avant 1615) ». (Manneken Pis – Dans tous ses états).
Eric TIMMERMANS.
Sources : « La Meuse et l’Escaut », http://lemuseedeleauetdelafontaine.be / Dictionnaire historique des rues, places…de Bruxelles, Eug. Bochart (1857), Editions Culture et Civilisation, 1981, p. 226 / « La Meuse et l’Escaut », http://joch.over-blog.com/ / « L’Hôtel de Ville de Bruxelles », Y. Jacqmin et Q. Demeure, Historia Bruxellae, Musée de la Ville de Bruxelles, 2011, p. 18 / « Dictionnaire historique et anecdotique des rues de Bruxelles », Jean d’Osta, Le Livre, 1995, p. 15, 186 / « Fontaine Les Lions cracheurs », http://www.ebru.be / « Dictionnaire historique des rues, places…de Bruxelles », Eug. Bochart (1857), Editions Culture et Civilisation, 1981, p.393 / Ilot Sacré, Georges Renoy, Rossel – Bruxelles Vécu, 1981, p.95 / « Fontaine Le Cracheur », http://www.ebru.be / « Manneken Pis - Dans tous ses états », M. Couvreur, A. Deknop, Th. Symons, Historia Bruxellae, Musée de la Ville de Bruxelles, 2005, p.27-28.
Le Spijtigen Duivel
LE VIEUX DIABLE FURIEUX D’UCCLE
1. Le Vieux Spijtigen Duivel aujourd’hui.
On peut rencontrer à Uccle, et ce depuis bien longtemps (des siècles, dit-on !), un diable furieux enlacé par un serpent, tous deux encerclés de flammes. S’agirait-il d’Asmodée, le démon de la fureur, ou de Samaël, le compagnon de Lilith ? Nullement. Il s’agit, plus prosaïquement, de l’enseigne d’une vieille auberge uccloise dénommée « Le Vieux Spijtigen Duivel » (Le Vieux Diable Furieux ou le Vieux Diable Epiant). Cet établissement (www.spijtigenduivel.com/), au demeurant bien sympathique, a su préserver un cadre rustique sans cesse enrichi, par Sylvie et Christos, les actuels tenanciers, de nouvelles pièces évoquant le passé campagnard de la commune d’Uccle. Et ce qui ne gâche rien, on y sert d’excellents plats (carbonnades flamandes, stoemp saucisse et lard, chicons au gratin…) et produits brassicoles de notre terroir. Rien de diabolique dans cet établissement donc, si ce n’est, cela va sans dire, la certitude de céder bien vite au péché de gourmandise ! L’auberge du « Vieux Spijtigen Duivel » est située au coin de la chaussée d’Alsemberg (n°621) et de la rue Joseph Bens. Elle fut tenue par une même famille, la famille Pauwels, durant près d’un siècle. Les tenanciers actuels, eux, prirent les rênes de l’établissement en 2005. Le cadre de celui-ci n’a, en un siècle, que peu changé et durant la période hivernale, c’est toujours le même vieux poêle Godin à charbon qui réchauffe les clients de l’auberge. Quant à l’enseigne, elle est attestée depuis 1742. Un conseil donc, que ce soit pour manger ou pour boire un verre, ne ratez pas l’étape uccloise du Spijtigen Duivel !
2. Spijtigen Duivel - Historique.
2.1. Une brasserie très ancienne.
Certains prétendent que l’origine de la brasserie ne peut remonter à avant 1750 (sans doute entre 1726 et 1741), alors que d’autres prétendent que l’édifice était déjà établi à cet endroit en 1500, ce qui en ferait l’un des ou le plus vieux des estaminets de Bruxelles. En 1769, on retrouve cette auberge sous le nom de « Spijtigen Duivel » sur la carte Ferraris de la Forêt de Soignes et sous la dénomination de « Spytighen Duyvel », sur l’édition 1771-1778, de la même carte Ferraris. Le 8 avril 1771, on note que « le Sieur Jean-Baptiste Ryckaert habitant d’Ixelles, vend à Demoiselle Cécile Ryckaert épouse de Philippe Van Overstraeten, un demi bonnier de terre avec la maison portant pour enseigne « Den Spytigen Duivel » sur la chaussée de Bruxelles à Calevoet, bien venant de feue Demoiselle Cécile Bartelyns veuve du Sieur Jean Ryckaert sa mère par testament passé le 12 décembre 1762 pardevant le notaire Jean-Baptiste Boogaerts (Minute du Notaire Andrieu aux Archives Générales du Royaume – Communiqué par Henri de Pinchart – Ucclensia 154, p. 11). C’est l’un des rares bâtiments qui subsiste encore de l’époque de la création de la chaussée d’Alsemberg (1726). Dès le début du 19e siècle, le Spijtigen Duivel servit d’auberge-relais pour diligences (reliant Calevoet à la rue de la Montagne, au centre de Bruxelles) qui, pense-t-on, alors que la chaussée proprement dite n’existait pas, se situait au carrefour entre l’actuelle rue du Doyenné (Kerkstraat) et la rue Joseph Bens (Chemin de Forest), cette dernière reliant Uccle à Forest. C’est dans l’auberge du « Spijtigen Duivel » qu’avant 1827 se réunissait le conseil communal d’Uccle. De fait, vers 1790, l’établissement était tenu par un certain Henri Trageniers qui se trouvait également être conseiller communal. Une trentaine d’années plus tard, le notaire Delcor y procédait aux ventes du canton, sous le regard du patron Van den Branden. Dans les années 1860, il semble que Charles Baudelaire et Victor Hugo aient fréquenté la brasserie de notre diable furieux et qu’ils y auraient couché sur le papier (voir dans le bois de tables aujourd’hui disparues !) quelques une de leurs pensées. A la fin du 19e siècle, pour accéder au Spijtigen Duivel en venant du Chat, on empruntait un chemin nommé Pispottenstrôtje (petite rue des pots de nuit), car les habitants de ce lieu avaient pour habitude de faire sécher ces récipients sur les pieux des clôtures de jardin ! En 1907, la famille Pauwels (Jean, son épouse, deux fils et une fille) acquit le Spijtigen Duivel. En 1912, la Ligue Ouvrière d’Uccle choisissait le Spijtigen Duivel pour célébrer le 41e anniversaire de la Commune de Paris. Ladite ligue y avait vu le jour en 1887, sous la présidence de Jean Eggerickx, en même temps qu’une chorale confiée à la baguette d’un chef nommé le père Léger, lequel s’occupait depuis l’année précédente de la chorale socialiste « L’Echo du Peuple », sise rue d’Or (aujourd’hui disparue). A cette époque, du jardin de la brasserie, un escalier de bois menait à l’étage, comme en témoigne une eau-forte de Paul Craps. Avant que les billards électriques ne fassent leur apparition, le jardin du Spijtigen Duivel accueillait encore quelques antiques habitués qui pratiquaient un jeu de boules plates en bois, et ce jusqu’en 1948 (ou 1946). Ce fut probablement le dernier jeu de ce genre à Uccle.
2.2. La Spijtigen Duivel en danger (1950).
Au début des années 1950, le Spijtigen Duivel faillit bien disparaître, abandonné à son sort par un certain Van Loo, alors propriétaire des lieux ( ?). De fait, celui-ci, qui était, contrairement à ce que pourrait laisser penser son nom, un Anglais authentique, semblait bien peu désireux de faire des frais pour entretenir son bien. Aussi, le Spytigen Duivel tombait-il en ruines et voilà la description que l’on pouvait en donner en 1950 : « C’est une vieille bâtisse régulière à six fenêtres fortement espacées, encadrant une porte centrale, avec un seul étage, le tout datant probablement du début du XVIIIe siècle. Les proportions sont bonnes, mais la construction est pauvre. Seule la porte en pierre moulurée a quelque valeur de style. Ce style est d’ailleurs rural et l’état de conservation médiocre. Les fenêtres n’ont pas d’encadrement de pierre ; la corniche est renouvelée ; à l’intérieur aucune cheminée ancienne ni porte de style ; l’escalier est ancien mais sans valeur. L’aspect de taudis se précise quand on passe aux dépendances qui toutes sont chancelantes sans qu’on y trouve le moindre coin artistique. » En ce 17 avril 1950, s’adressant à son Président, le Prof. Thibaut de Maisière semble bien avoir signé l’arrêt de mort du Spijtigen Duivel. En effet, les descendants de la veuve Pauwels comptaient sur un éventuel classement de la bâtisse qui sauverait leur établissement, or le verdict de Monsieur de Maisière est sans appel : « Nous ne croyons pas pouvoir proposer le classement de l’immeuble au titre artistique ou même folklorique. » Au début des années 1950, Louis Quiévreux lui-même fait part de ses craintes de voir disparaître l’auberge et son antique enseigne, que l’on venait de décrocher, mais il ne s’agissait, bien heureusement, que de rénovation : les murs de briques espagnoles furent repeints, la cour plantée de tilleuls vénérables fut restaurée et l’enseigne fut rajeunie par un certain M. De Coninck, un des habitués du lieu. La partie nord du bâtiment disparut toutefois en 1954 ; ce fut vraisemblablement là le prix à payer pour la sauvegarde de l’établissement.
2.3. Le Diable Furieux résiste !
2.3.1. La résistance d’un diable.
En 1960, on songe à nouveau à un classement, et en 1973, l’enseigne restaurée est remise à sa place par Jean Grimau, à l’initiative du Cercle d’Histoire d’Uccle : le Vieux Diable Furieux résiste avec cornes, griffes et fourche ! En 1992 et en 1995, la question du classement du Spijtigen Duivel revint encore, mais cela n’aboutit une fois de plus à rien. A noter que Jean Pauwels est présenté comme le propriétaire des lieux, en 1993 (La chaussée d’Alsemberg et ses vieux cafés, Le Soir, 8 novembre 1993). En 2005, après quelques semaines de fermeture, le Spytigen Duivel rouvrit ses portes sous la responsabilité d’une nouvelle gérance assurée par Christos Hatzis et de son épouse, Sylvie Vleminck. Ceux-ci tenaient la friterie voisine depuis une quinzaine d’années et entretenaient de bons rapports avec le Spijtigen Duivel qui acceptait que les clients viennent manger leurs frites dans l’établissement. Mais un jour, le propriétaire du « Spyt », comme une nomme parfois la brasserie, tomba malade et se trouva dans l’impossibilité d’ouvrir le WE, ce qui eut un impact très négatif sur le chiffre d’affaire de Christos et Sylvie. Aussi proposèrent-ils de racheter, tout simplement, le Spijtigen Duivel, à condition toutefois de ne rien changer à l’authenticité du lieu. Marché fut donc conclu et voilà comment notre furieux diable trône toujours au-dessus de l’entrée du n°621 de la chaussée d’Alsemberg aujourd’hui ! A noter qu’après des décennies d’ergotages et de péripéties, les autorités compétentes ce sont finalement décidées, en 2008, de lancer une procédure de classement du Spijtigen Duivel. Ouf !
2.3.2. Le Spijtigen Duivel : quel intérêt ?
Quel intérêt représente le « Spijtigen Duivel » d’un point de vue historique ou/et artistique ou/et folklorique ? Pourquoi méritait-il, en définitive, de se voir gratifier d’une procédure de classement ? Les raisons, nombreuses, sont les suivantes :
-L’ancienneté du bâtiment qui remonte au deuxième quart du 18e siècle et portait au moins dès 1771 le nom de Spythigen Duyvel.
-Sa fonction de relais de diligences le long d’une chaussée menant à Bruxelles.
-La façade blanchie et la porte cintrée et son enseigne en bois (du 18e).
-Le caractère folklorique de la salle du café.
-La fréquentation du lieu par le conseil communal (avant la création de la première Maison communale au parvis Saint-Pierre) et par des célébrités parmi lesquelles Charles Baudelaire (plaque commémorative posée en 2002).
Le Spijtigen Duivel devait donc se voir reconnaître la valeur historique et folklorique d’un « lieu de mémoire » ucclois.
3. D’une auberge l’autre ?
Selon certaines sources – Louis Quiévreux faisant référence à un texte de H. Crockaert, « Notice à servir à l’Histoire de la Commune d’Uccle », parue dans un numéro du « Folklore brabançon »- l’actuelle auberge du « Vieux Spijtigen Duivel » ne serait, en fait, pas celle d’origine. Le Prof. Thibaut de Maisière, déjà cité, renchérira même en précisant que si l’actuel établissement venait à disparaître, on pourrait éventuellement s’en consoler en songeant qu’il existe déjà dans les environs un « Vrai Spijtigen Duivel » et un « Nouveau Spijtigen Duivel ». Ces établissements nous sont aujourd’hui inconnus et nous ne connaissons plus que celui du n°621 de la Chaussée d’Alsemberg. Celle-ci, si l’on se réfère à la carte cadastrale de la chaussée d’Alsemberg de A. De Bruyne (parue vers 1731), se serait située à gauche de la chaussée lorsque l’on vient de Bruxelles pour se rendre à Uccle-Stalle, c’est-à-dire en face de l’auberge actuelle. Mais, dès lors, quelle serait l’origine du « Spijtigen Duivel » actuel ? Selon Crockaert, déjà cité, il s’agirait d’une autre auberge dénommée « Den Kyckuyt » (Le Guet ; une référence au « Vieux Diable Epiant » que nous mentionnons plus haut ?), dont les archives font également mention. Mais pourquoi l’actuel « Spijtigen Duivel » aurait-il troqué son hypothétique nom d’origine contre l’actuel ? Ne peut-on aussi envisager une erreur, une inversion des noms, par exemple, sur la carte de De Bruyne ? Et qu’est-il advenu, dès lors, de l’autre auberge ? Tout cela, ceux qui contestent l’identité du « Vieux Spijtigen Duivel » ne nous le disent pas. Aussi pensons-nous que c’est faire preuve de sagesse que de placer, faute de preuves et de témoignages suffisants, au rang des pures spéculations, l’hypothèse visant à nier le caractère historiquement authentique du nom de l’actuel « Spijtigen Duivel ». Et ce d’autant plus que l’hypothèse de Crockaert n’est guère reprise dans l’ouvrage « Monuments, sites et curiosités d’Uccle », édité en 2001 à l’initiative du Cercle d’histoire, d’archéologie et de folklore d’Uccle. Ledit ouvrage (p. 41) se borne à constater que « la partie nord des bâtiments –du XVIIIe s.- a disparu en 1954. Seule l’actuelle taverne témoigne de leur aspect originel. Ce fut le relais de la diligence qui allait de Bruxelles (Putterie) à Uccle (Bourdon). »
4. Les origines légendaires du « Spijtigen Duivel ».
4.1. Au début du 16ème siècle, le « Spijtigen Duivel » portait, dit-on, le nom de « A l’Ange ». Mais la patronne de cet établissement, une certaine Bette passait alors pour une femme de fort caractère, à tel point qu’on la disait mégère et, pour tout dire, acariâtre. Un jour vint un gentilhomme qui, d’un air affecté de nonchalance hautaine, remit les rênes de son cheval au domestique du lieu, un certain Tontje. Derechef, il commanda un dîner, laissant entendre au passage qu’étant particulièrement pressé, il n’entendait point attendre. Mais avant même qu’on lui apporte sa pitance, il fit entendre moult remontrances et récriminations : la vaisselle était sale, le linge de table ne valait guère mieux, le service était lent, et j’en passe. Dans le même temps, l’étrange gentilhomme ne cessait de flatter Tontje, lequel, victime des incessants reproches et insultes du maître de maison, soit l’époux de Bette, en tirait une grande fierté et ne manquait pas d’attirer l’attention de sa patronne sur les louanges dont il faisait l’objet, d’autant que le gentilhomme ne cessait d’en remettre, affirmant au domestique qu’il était loin d’être un imbécile et qu’une carrière brillante l’attendait à Bruxelles. Bette, qui sentait depuis un certain temps la moutarde lui monter au nez, n’en put bientôt plus et explosa littéralement : « Bien ! Bien ! Cela est très bien, mais saura-t-il nous payer, cet enjôleur ? » lança-t-elle à son grincheux client, avant de lui jeter au visage quelques sarcasmes bien sentis. L’intéressé, sursautant sur sa chaise, brandit son poing armé d’un joint de veau parfaitement rongé, et se fit connaître : c’était Charles-Quint lui-même ! De fait, la réputation caractérielle de Bette était arrivée aux oreilles de l’empereur et celui-ci s’était décidé à aller vérifier sur place la réalité de la rumeur populaire : il ne fut guère déçu ! Mais, faut-il le dire, l’attitude de Bette déplut souverainement à Charles-Quint qui lui tint les propos suivants : « Vous êtes bien la mégère que l’on m’avait décrite ! Ce n’est pas « In den Engel » que l’on devrait enseigner votre auberge, mais bien « In den Spijtigen Duivel » - et désormais je veux qu’on la nomme ainsi. » Et voilà comment l’auberge « A l’Ange » (In den Engel) devint la brasserie « Au Vieux Diable Furieux » (In den Spijtigen Duivel) !
4.2. Un jour, la Gilde des Escrimeurs de Bruxelles s’arrêta, bannière en tête, devant une auberge nouvellement ouverte que les Ucclois voulaient baptiser « Au Saint-Michel ». Cela fut contesté par les Bruxellois dont, comme tout le monde le sait, saint Michel est le patron. Au cours de la mêlée qui s’en suivit, le diable ciselé qui figurait sous le saint Michel d’argent sur la bannière de la Gilde, se brisa et quelqu’un cria : « Quel dommage, saint Michel a perdu son diable ! ». Sur ce, les Ucclois s’emparèrent du diable et le suspendirent au dessus de la porte de l’auberge. Les Bruxellois, quant à eux, déposèrent plainte devant le duc de Brabant et le diable leur fut rendu. Mais le cabaretier, ne se tenant point pour vaincu, décida de faire peindre un diable sur son enseigne ! Cette version donnerait du crédit à la traduction de « Spijtigen Duivel » en tant que « Diable piteux » ou « Diable endommagé », le terme « spijtig » pouvant désigner un état de dépit : dommage !
4.3. Il est dit encore qu’une troupe de bateleurs réformés trouva un jour refuge dans un cabaret d’Uccle. Cela se passait au 16ème siècle, en pleine guerre de religions. Ils tentèrent d’y présenter une pièce de leur cru intitulée « Den Spijtigen Duivel » qui se montrait particulièrement critique à l’égard du gouvernement sanguinaire du duc d’Albe. Aussitôt, des soudards inféodés au régime espagnol surgirent et massacrèrent les bateleurs, quant au cabaretier, il faillit bien être lui-même pendu. Pour se venger, dès que le sinistre duc eut quitté les Pays-Bas méridionaux, il donna à son établissement le nom de la pièce des infortunés bateleurs.
4.4. Quant à Louis Quiévreux, il nous propose une autre hypothèse, moins légendaire qu’étymologique et bucolique. S’inspirant d’un ouvrage de botanique réalisé par un certain Isidoor Teirlinck, « Flora Diabolica », il rappelle que dans la région de Kortrijk (Flandre-Occidentale) les perce-neige sont nommées « Spijtsche Duvelkens », parce que, dit-on, à l’instar de petits diables qui ne craignent rien, ils jaillissent de la neige avec vigueur. Or, il apparaît que l’habitat de ses plantes a donné nombre de noms à des lieudits. Aussi, Louis Quiévreux pense-t-il que l’auberge du « Spijtigen Duivel » pourrait désigner un ancien habitat de perce-neige, les flammes jaillissant de la bouche du diable symbolisant le jaillissement des perce-neige de sous la neige, « jaillir » se traduisant par « speiten », « speeten », « spuiten », selon les dialectes thiois, ce qui a donné le terme bruxellois, hybride de thiois et de français, « spiter » (de l’eau qui « spite », par exemple, désigne l’eau pétillante).
Eric TIMMERMANS.
Sources : « Bruxelles, notre capitale », Louis Quiévreux, PIM-Services, 1951, p. 184-186 / « Monuments, sites et curiosités d’Uccle », Cercle d’histoire, d’archéologie et de folklore d’Uccle et environs, 2001, p. 41 et 205. / Et avec tous nos remerciements à Monsieur Frédéric Kisters, historien-archiviste de la Région de Bruxelles-Capitale, pour l’aide apportée à l’enrichissement de ce texte consacré à notre « Vieux Diable Furieux » !
Clémence pour le tireur jaloux des Marolles
Clémence pour le tireur jaloux des Marolles
METDEPENNINGEN,MARC
Mercredi 30 juillet 2008
Jeunesse et Justice (3/6)Jacques Drabben, l’ex-enfant du juge, est obsédé par la belle Antoinette Demesmaeker. Un soir d’octobre 1899, il ouvre le feu sur elle rue Haute.
La rue Haute, en cette fin d’année 1899, fleure bon les effluves des immenses bacs à caricoles qui disputent les trottoirs aux cuiseurs de marrons. De la porte de Hal à la place de la Chapelle, ce n’est qu’une succession d’estaminets, de magasins, d’ateliers, de « kots à brol » qui permettent aux natifs du cœur de Bruxelles de vivre en autarcie, sans avoir à s’aventurer « en ville » pour subvenir à leurs besoins quotidiens.
En cette soirée du samedi 21 octobre, les marchandes de « scholles » (plies séchées) ont déjà déserté la place du Jeu de Balle. Les deux commissariats du quartier sont en alerte, comme chaque fin de semaine forcément festive, du samedi au lundi soir. Les internes de l’hôpital Saint-Pierre s’apprêtent à recevoir en fin de nuit leur lot quotidien d’ivrognes pris de delirium tremens qu’ils soigneront d’une vomitive potion de sulfate de cuivre. Les « bruine pater », les frères capucins, ont refermé les portes de leur couvent, tout comme les petites sœurs de Saint-Vincent de Paul qui distillent tant de bonté dans les impasses populeuses où s’entassent tant de reclus et d’exploités.
Au café du « Gros Pou », comme « Chez le Bossu » (Bij den Boelt), on propose au forfait ces moules outrageusement poivrées, amenées par seaux du quai de Willebroek, que seuls les habitants du cru peuvent ingurgiter sans éternuer ; une faiblesse qui arrête net la dégustation dans laquelle se lancent, imprudents, ces messieurs des beaux quartiers venus se frotter au petit peuple. Avec parcimonie : les Marolles, en cette année de fin de siècle, sont un foyer d’agitation politique. Les militants du jeune Parti ouvrier exigent toujours le suffrage universel, une revendication dont les Marolles sont le berceau. En 1848, la « Ligue belge pour le suffrage universel » n’a-t-elle pas été portée sur les fonts baptismaux par Jakob Kats dans ce café des Brigittines, le « Mouton Bleu » ? Des heurts entre gendarmes et manifestants se sont multipliés. Il se dit même que l’armée a fait pointer un canon sur la rue Montserrat pour prévenir un embrasement populaire.
Dans le quartier, ce soir d’octobre, les salles de danse voient s’engouffrer la jeunesse du cru. Les « crotjes » (jeunes filles) sont déjà en beauté. Dans l’arrière-salle des cafés, passage obligé pour se désaltérer de « siphonné », un mélange à parts égales de faro et d’eau gazeuse, les orchestrions crient leurs vibrants « soldes !» pour signifier aux fêtards qu’il est temps de renouveler leur redevance de bal. De solides gaillards en bras de chemise, les « veurvechters », mettent en garde les importuns, quitte à jeter les plus éméchés sur le trottoir pavé.
Ce soir-là, un jeune homme d’1m68, au regard triste et aux cheveux noirs, n’a pas le cœur à la fête. Il projette depuis plusieurs heures déjà son amertume dans les vitrines des boutiques désertées. Il croise les yeux pétillants des passants. Il cherche sa bien-aimée qui l’a délaissé pour un autre. Jacques Drabben, le timide maçon du 14 de l’impasse des Ramoneurs, a 18 ans. Dans sa poche, il dissimule un revolver « Lafaucheuse » de 7 mm acheté quelques heures plus tôt, ainsi que 8 cartouches, chez l’armurier Dieudonné Dehoux dont le magasin est établi au nº 7 de la rue Blaes. Il enrage. Antoinette Demesmaecker, une apprentie de fabrique qui demeure au 22, rue de l’Abricotier, n’a une nouvelle fois pas voulu céder à ses avances. Sur le coup de midi, il la rencontre au pied de la porte de Hal.
– Tu veux venir avec moi ?, lui demande-t-il en rougissant.
– Non, réplique la jeune fille, lassée des assauts de ce dadais.
Et puis surtout, Antoinette a déjà promis sa soirée au jeune cordonnier de la rue Jourdan, Frédéric Van Stokeren, un solide gaillard de 19 ans. Face au refus de son aimée, Jacques Drabben lui lance un mystérieux avertissement : « Si je te rencontre, je te mettrai de côté. »
« De côté ? » En brinquebalant son désespoir dans les Marolles, le jeune maçon rencontre ensuite son rival dans la rue Haute. A Van Stockeren aussi, il lance d’étranges menaces :
– Ce que vous pensez ne sera pas vrai !
– Quoi ?
– Courtiser Antoinette ! Préparez-vous pour ce soir !
– Est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ?, réplique en flamand Van Stockeren.
Pour toute réponse, il reçoit un soufflet en plein visage. Et Drabben, furieux, lui retourne la veste par-dessus la tête, tentant maladroitement de le frapper au visage.
A la nuit tombée Antoinette Demesmaeker rejoint Frédéric Van Stokeren à l’estaminet « Bij Rosse Pie » établi 310, rue Haute, en contrebas de l’hôpital Saint-Pierre. Les deux jeunes gens n’ont que le cœur à la fête. Ils ont retrouvé dans cette grande salle dansante leurs amis Ferdinand Deloos et Cécile Theys. La bière coule à flots. Les rires ricochent sur le trottoir. Le quatuor, joyeux, emprunte la rue Haute. Soudain, une voix s’élève derrière eux. Jacques Drabben a rassemblé tout son courage. Il a sorti son revolver « Lafaucheuse » et le pointe en direction du groupe. Il supplie Antoinette Demesmaeker :
– Venez avec moi, sinon je tire !
La jeune fille prend la fuite. L’arme de Drabben crache le feu. Une balle atteint la main de Cécile Theys. Une autre blesse Ferdinand Deloos au bras. Antoinette et Frédéric prennent la fuite à toutes jambes. Des cris s’élèvent dans la rue. Deux balles sifflent encore. Elles n’atteignent personne. Léon Vanderlinden, un soldat du 2e régiment de Ligne, compte les projectiles : l’arme de Drabben a tiré six fois.
Le jeune maçon a raté sa vengeance. Tandis que des secouristes s’affairent autour de ses victimes, il enfile la rue Haute. A proximité du poste de police, l’agent François Plugers, 43 ans, l’aborde et lui demande de lui remettre son revolver. Drabben le sort lentement de la poche gauche de son veston. Il met en garde Plugers : « Attention, il y a encore deux balles dedans !»
Le dimanche 22 octobre, le juge d’instruction Jean Bollie reçoit dans son cabinet un garçon désorienté par l’échec de son entreprise et la gravité de ce qu’il a commis. Il l’interroge en flamand :
– Depuis quand cherchiez-vous à courtiser Antoinette Demesmaeker ?
– Je ne cherchais pas à la courtiser, réplique Drabben. Je la courtisais réellement. J’étais sorti trois ou quatre fois avec elle. La première fois, c’était il y a trois semaines. Je reconnais avoir voulu tuer ma maîtresse.
– Elle était votre bonne amie ?
– Il me semble que lorsqu’une fille sort avec vous, elle est votre bonne amie.
– Avez-vous eu des rapports sexuels ?
– Non !
Antoinette, elle, raconte au juge qu’elle avait repoussé les avances du maçon : « Je savais que ses parents me voyaient d’un mauvais œil parce qu’ils auraient aimé une femme ayant de l’argent ! »
L’agent de police judiciaire Barré est chargé de l’enquête de personnalité. Il qualifie Drabben « d’indigent qui appartient à la classe inférieure » et qui ne sait « qu’imparfaitement lire et écrire».
L’enquête révèle aussi le passé « d’enfant du juge » de l’inculpé. En 1893, alors qu’il n’est âgé que de 13 ans, il fugue du domicile de ses parents, emportant 3,50 francs. Trois jours plus tard, il est ramassé par la police. Ses parents ne veulent plus de lui. Ils le décrivent comme un « très mauvais sujet qui refuse de travailler» et les « volent ». A l’époque, les policiers notent : « les parents sont d’une bonne conduite et ont tout fait pour mettre leur enfant sur la bonne voie, mais rien n’y a fait ». Le jeune Jacques est placé par le juge de paix à l’Ecole de bienfaisance de Beernem « pour y être retenu du chef de vagabondage jusqu’à l’accomplissement de sa 21e année». Le 16 avril 1897, après avoir suivi des apprentissages à Casterlé et Olen, il bénéficie d’une libération provisoire et est rendu à ses parents. Un an avant de se commettre des coups de feu de la rue Haute.
A l’ouverture de son procès, le 29 janvier 1900, devant la cour d’assises de Bruxelles, Jacques Drabben, poursuivi pour une triple tentative d’assassinat, a bon espoir. Lors d’une précédente session, Joseph Kott, le mari jaloux de la rue de l’Enclume à Saint-Josse, n’a-t-il pas été acquitté pour le meurtre de sa femme Eugénie de Remu ? Et la justice pénale, en ce début de siècle, en est à un tournant. Les théories d’Adolphe Prins changent progressivement la finalité de la peine, qui n’est plus le reflet de la gravité d’un fait. Pour Prins, la peine doit être centrée sur la cause d’un acte. Et il voit dans « l’insuffisance morale ou sociale » d’un accusé l’occasion d’expliquer sa déviance criminelle et de lui ouvrir, moyennant des conditions, une occasion de se racheter. Ces théories ont alimenté les réflexions de l’influent ministre de la Justice Jules Lejeune dont la loi de libération conditionnelle qui porte son nom entend « faire cesser la peine quand le condamné paraît amendé ».
Durant les débats, l’avocat général reconnaît des circonstances atténuantes à Drabben : son jeune âge, son passé difficile. Une lettre de Marolliens parvient à la cour : « C’était un brave garçon, très honnête. Nous-mêmes avions pitié de ce brave garçon et à tout moment nous devions empêcher les enfants et les gamins de maltraiter un malheureux si faible d’esprit. Il a eu pendant deux ans des attaques de convulsion et de ce terrible mal, il a gardé quelque chose ! »
Les jurés ne retiennent que la tentative d’assassinat contre Antoinette Demesmaeker. Jacques Drabben est condamné à dix ans de réclusion. Il est incarcéré à la prison de Louvain-Centrale où sa bonne conduite lui vaut d’être libéré conditionnellement le 15 février 1904.
A sa sortie, il s’établit au 16, rue de Liedekerke, à Saint-Josse, bien loin de ses Marolles natales et de cette Antoinette pour laquelle il avait perdu la tête, le 21 octobre 1899.
Dossier préparé par Xavier De Weirt dans le cadre des travaux menés par l’action de recherche concertée « Jeunesse et violence en Belgique 1880-2006 : approches sociohistoriques » (UCL).
Article paru dans le journal LE SOIR.
Les Fontaines de Bruxelles (4)
LES FONTAINES DE BRUXELLES (4) :
LES FONTAINES DE L’HÔTEL DE VILLE ET DE SES ENVIRONS
Les fontaines La Meuse et l’Escaut.
Lorsque, venant de la Grand-Place, on passe le porche surplombé par un saint Michel écrasant le Démon, on pénètre dans la cour intérieure (ou cour d’honneur) de l’Hôtel de Ville. On peut également y accéder par la façade arrière, via la rue de l’Amigo. Cette cour d’honneur a été créée, au cœur de l’Hôtel de Ville, lors de son agrandissement, réalisé au lendemain du bombardement de 1695. Son pavement est marqué d’une étoile à six branches qui indique le centre géographique de Bruxelles (Pentagone). Cette dernière est identique à celle de la place du Capitole, à Rome.
On remarque également deux fontaines de marbre rigoureusement symétriques encadrant la porte cochère située à l’arrière de l’Hôtel de Ville (côté rue de l’Amigo). Elles ont été sculptées, en 1714, par Johannes Andreas Anneessens (1687-1769). Chacune se compose d’une grande vasque semi-circulaire et est soutenue, à la base, par deux dauphins entrelacés. Ceux-ci, recevant l’eau du réservoir supérieur, alimentent par leurs gueules une deuxième vasque.
Photo de Pierrot Heymbeeck (2016)
Chaque fontaine est surmontée d’une figure allégorique couchée et accoudée sur divers objets. Les deux figures allégoriques –des vieillards barbus- datent de 1715. Celle de gauche, œuvre de Jean Dekinder (1675-1739), représente la Meuse. Son bras droit repose sur une urne qui représente la source du fleuve et, de sa main gauche, elle tient un objet, placé derrière ses deux jambes. Celle de droite, œuvre de Pierre-Denis Plumier (1688-1721), représente l’Escaut. Ses mains sont libres et le bras gauche de la statue repose sur un enchevêtrement de pierres et de plantes qui, de toute évidence, représente aussi la source de ce fleuve. Les deux figures allégoriques sont encadrées par deux putti qui chevauchent des dauphins et animent la vasque supérieure de leurs jets d’eau.
Les fontaines des Lions Cracheurs.
Passons entre la Meuse et l’Escaut pour ressortir de la cour intérieure de l’Hôtel de Ville. Nous constatons que la façade arrière de ce dernier est agrémenté par deux lions cracheurs. Chacun d’eux est logé dans une niche cintrée pourvu d’un bassin de pierre bleue. De quand datent ces fontaines ? Jusqu’à la fin du 17e siècle, s’élevait à cet endroit l’ancienne halle aux Draps, construite en 1353, de même que la maison du Boterpot, qui s’élevait à côté de la halle aux Draps, au coin de la rue actuelle de la Tête d’Or. Le Boterpot avait un grand dôme bulbeux et la rue de l’Amigo était généralement nommée Boterpotstraat. Cet édifice ne nous est connu que par un seul dessin de la halle aux Draps, que l’on doit à Léon Van Heil le Vieux (15e siècle, Cabinet des Estampes). Au lendemain du bombardement de 1695, on décida d’édifier à la place de l’ancienne halle aux Draps, les bâtiments postérieurs de l’Hôtel de Ville de Bruxelles, soit un édifice en « U » qui s’unit aux deux ailes dudit Hôtel de Ville. Ce nouvel édifice encadrait la cour intérieure, incluant les statues allégoriques de la Meuse et de l’Escaut, et intégrait, dans sa façade donnant sur la rue de l’Amigo, les deux lions cracheurs précités.
Photo de Pierrot Heymbeeck (2017)
Ces lions sont toutefois antérieurs à la construction du nouvel édifice. En effet, leur origine remonte au 14e siècle, soit à l’époque de la construction de l’Hôtel de Ville. L’origine de l’eau qui s’écoule de leur gueule alimente encore bien des polémiques entre historiens. Pour les uns, un lion crachait l’eau provenant de la Montagne des Géants, l’autre du « quartier de Bruxelles ». Pour les autres, l’eau était captée dans le quartier des Alexiens et jaillissait dans la fontaine de la cour d’honneur, pour réapparaître dans la gueule des lions. Aujourd’hui, l’eau qui s’écoule des deux lions provient de l’eau de la ville. Et ces étranges anneaux dont ils sont flanqués, que représentent-ils ? Eh bien ils rappellent le temps où des gobelets étaient attachés aux fontaines, tout simplement !
La fontaine Le Cracheur.
L’une des plus anciennes fontaines bruxelloises, à l’aspect de triton (au sens mythologique du terme), se situe au n°57 de la rue des Pierres (coin de la rue des Pierres et de la rue Marché-au-Charbon). Jadis, son eau coulait du Coudenberg et elle était déjà connue au 14e siècle sous le nom de « Fontaine bleue ». A l’origine, notre cracheur était adossé au Boterpot, déjà évoqué au point précédent et qui servait vraisemblablement de dépôt d’archives. Et donc, comme ce dernier et les archives de la Ville qu’il contenait, il fit les frais du bombardement de 1695.
La Ville de Bruxelles devait partiellement la restaurer en 1704, puis en 1786 :
« La fontaine bleue était composée de plusieurs grandes coquilles, dans lesquelles tombaient de nombreux filets d’eau jaillissant d’un corps d’architecture assez remarquable. La maison ayant beaucoup souffert du bombardement, on remplaça la fontaine par un simple jet sortant d’un mascaron. En 1786, on l’orna d’un triton saillant, à mi-corps et entouré de joncs ; de là son nom de fontaine du Cracheur. » (Bochart).
Photo de Pierrot Heymbeeck (2012)
« La fontaine qui crache son eau claire au coin de la rue des Pierres n’a pas toujours eu l’aspect que nous lui connaissons. Ce triton généreux qui jaillit à mi-corps parmi les joncs fut placé là par Fisco, architecte de la Vill, en 1786. Il y a détrôné un mascaron qui y avait remplacé lui-même plusieurs coquilles de pierre connue depuis le XIVe siècle sous le nom de « Fontaine Bleue » ou « Fontaine derrière la Halle. » (Renoy).
Mais qui peut donc bien être cet étrange triton cracheur ? La légende rapporte que des bourgeois de Bruxelles, constatant la disparition de leur fils matelot, se mirent à sa recherche. Ils le trouvèrent mort en ces lieux. Il fut dit qu’il avait par trop abusé du vin qui jaillissait des seins des Trois Pucelles de la fontaine du même nom et située non loin de là (au carrefour des rues du Marché-aux-Herbes, du Marché-aux-Poulets, des Fripiers et de l’actuelle rue de Tabora) ! En mémoire de leur fils, ces riches bourgeois firent ériger la fontaine du Cracheur à titre de monument expiatoire de leur malheur.
Autres fontaines de la Grand-Place et de ses environs.
Nous avons évoqué, dans un texte précédent, la fontaine d’Egmont et de Hornes qui se dressait jadis devant la Maison du Roi, de même que la fontaine éphémère édifiée sur la Grand Place, pour la célébration du 25e anniversaire du règne de Léopold Ier :
http://bruxellesanecdotique.skynetblogs.be/archive/2017/01/29/fontaines-de-bruxelles-8695024.html
Afin de compléter notre information, rappelons que, « plusieurs autres fontaines, parmi les plus anciennes comme celle de la rue des Foulons (Vollestraat) sont profondément modifiées et sont ornées de décors en métal, parfois même sous la forme de statues, figurant saint Michel (au Marché-aux-Herbes) ou sainte Gudule (fontaine de Magnus au Marché-au-Bois), pouvant être rehaussées d’or. L’une d’entre elles, celle du Marché aux Herbes, aussi appelée fontaine des Satyres, était d’ailleurs l’œuvre [de] Duquesnoy. Manneken Pis était donc en bonne compagnie ! Le motif des fontaines anthropomorphes n’était pas –on l’a vu- étranger à Bruxelles : les Trois Pucelles, le Cracheur, mais aussi la grande fontaine de la Grand-Place, du XVIe siècle [ndr : 1564], ornée de trois femmes et quatre hommes particulièrement dénudés (ces décors, s’ils ont été réalisés, semblent avoir déjà disparu avant 1615) ». (Manneken Pis – Dans tous ses états).
Au sujet de la rue des Foulons, telle que nous la connaissons aujourd’hui, soulignons, à la suite de Jean d’Osta, que « cette rue est perpendiculaire au boulevard Lemmonnier, 143-145, et aboutit au boulevard du Midi, près de la porte d’Anderlecht. Elle mesure 320 m, mais elle était plus longue lors de sa création en 1860, car elle occupait une partie de l’actuelle rue Vander Weyden, jusqu’au chemin de fer qui est devenu plus tard la rue de Stalingrad. » (Jean d’Osta)
Il s’agit toutefois de ne pas confondre cette « rue des Foulons » (l’actuelle) avec celle qui existait déjà à Bruxelles, au 13e siècle, à l’intérieur de la première enceinte. Un cartulaire la nomme en 1303 Volrestrate prope Stoefstrate (« la rue des Foulons près de la rue de l’Etuve »). Comme des usuriers lombards habitaient cette rue, cette rue fut appelée par le peuple de Bruxelles (du moins par sa composante romane), la « rue du Lombard » (qui n’est autre que l’actuelle « rue du Lombard »), même si les Bruxellois de langue thioise restèrent fidèles plus longtemps à l’appellation d’origine : Volderstroet, Volderstraet, Volrestraete, Volrestroet, puis, par corruption, Vollestroet et finalement, Vollestraat.
La rue des Foulons actuelle ne sera tracée qu’en 1860, sur le Voldersbreempd (Pré aux Foulons) qui, dès l’époque médiévale « avait été la résidence de nombreux ouvriers qui « foulaient » la laine pour en faire du feutre, industrie qui nécessitait beaucoup de trempages, dans la Senne proche, et de séchage au soleil, sur les prés. » (Jean d’Osta). Même si elle ne semble pas avoir laissé de traces, le fait qu’une fontaine ait existé à cet endroit au fil des siècles, ne doit donc pas nous étonner : le besoin vital en eau de l’industrie de la laine peut largement l’expliquer. Au fait, connaissez-vous le nom humoristique que certains Bruxellois ont parfois donné à la rue des Foulons ? La Langezottestroet… Littéralement : « la rue des Fous Longs » !
On remarquera d’ailleurs qu’à peu de distance de la rue des Foulons , existe une « rue de la Fontaine » qui « prend son nom d’une fontaine qui traversait naguère les prairies de la fabrique de M. Basse, et qui aujourd’hui alimente l’école de natation fondée par M. Tallois : c’est la première école de ce genre qu’on ait vue à Bruxelles » (Eug. Bochart) Décidément, que d’eau, que d’eau !
« La rue de la Fontaine doit son nom à une source jaillissante, qui se trouvait dans le domaine de M. Basse (à peu près au n°19 ou 21 de la rue) et qui était utilisée pour le lavage de la teinture des tissus. Dans les années 1860, cette fontaine alimentait la piscine de l’Ecole de natation créée par M. Tallois, la première du genre à Bruxelles. » (Jean d’Osta)
Eric TIMMERMANS.
Sources : « La Meuse et l’Escaut », http://lemuseedeleauetdelafontaine.be / Dictionnaire historique des rues, places…de Bruxelles, Eug. Bochart (1857), Editions Culture et Civilisation, 1981, p. 200, 226 / « La Meuse et l’Escaut », http://joch.over-blog.com/ / « L’Hôtel de Ville de Bruxelles », Y. Jacqmin et Q. Demeure, Historia Bruxellae, Musée de la Ville de Bruxelles, 2011, p. 18 / « Dictionnaire historique et anecdotique des rues de Bruxelles », Jean d’Osta, Le Livre, 1995, p. 15, 126-127, 174, 186 / « Fontaine Les Lions cracheurs », http://www.ebru.be / « Dictionnaire historique des rues, places…de Bruxelles », Eug. Bochart (1857), Editions Culture et Civilisation, 1981, p.393 / Ilot Sacré, Georges Renoy, Rossel – Bruxelles Vécu, 1981, p.95 / « Fontaine Le Cracheur », http://www.ebru.be / « Manneken Pis - Dans tous ses états », M. Couvreur, A. Deknop, Th. Symons, Historia Bruxellae, Musée de la Ville de Bruxelles, 2005, p.27-28.
Bombardement de Bruxelles
Pour plus d'infos : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bombardement_de_Bruxelles_de_1695
Augustin COPPENS
Né à Bruxelles et y baptisé le 9 mars 1668 dans la paroisse Sainte-Gudule, il fut le fils de François Coppens et d'Anne-Marie Herremans. Aurèle-Augustin Coppens perd sa maison lors du bombardement de Bruxelles en 1695 par les troupes françaises. Ruiné, il entreprend une série de dix-sept dessins des quartiers en ruines, sous le titre général de Perspectives des ruines de la ville de Bruxelles, dessinées au naturel par Augustin Coppens 1695 qui seront ensuite gravés, notamment par Richard van Orley (1663-1732), descendant de Bernard van Orley, et largement diffusés. Cette série qui lui permet de refaire fortune et d’acquérir une importante renommée, constitue un précieux témoignage historique de l’ampleur de la catastrophe ; elle sera reproduite en différents formats et en couleurs par le graveur néerlandais Pierre Schenk.
En 1698, il devient membre de la corporation des peintres, puis est nommé doyen en 1707. Aucun tableau de sa main ne nous est parvenu. Un portrait le représentant debout appuyé à une ruine auprès de la reproduction d’une de ses gravures et de ses pinceaux, avec la ville de Bruxelles en arrière-plan a longtemps été considéré comme un autoportrait. On pense aujourd’hui que ce n’est pas le cas.
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DES FAUCONS PÈLERINS EN RÉGION BRUXELLOISE
DES FAUCONS PÈLERINS EN RÉGION BRUXELLOISE
Les faucons pèlerins de l’année 2017 sont arrivés et ont pondu au mois de mars : suivez-les en direct !
Suivez en direct la couvaison, l’éclosion des œufs, la croissance et l’envol des Faucons pèlerins bruxellois de cette année 2017, sur www.fauconspelerins.be, de ce mois d’avril au début du mois de juin…parce que oui, cette année encore, ils sont de retour ! Vous pourrez les observer en direct, par vidéo, dans la cathédrale des SS. Michel et Gudule (4 œufs couvés ; le premier fut pondu le 1er mars), à la Maison communale de Woluwé Saint-Pierre (4 œufs couvés ; pondus le 8 mars) et à l’église Saint-Job d’Uccle (4 œufs pondus et couvés dès le 10 mars). En route pour sept semaines d’observation !
Qu’est-ce qu’un faucon pèlerin ?
Si je vous dis que des faucons quadrillent quotidiennement le ciel de Bruxelles, il ne s’agit évidemment pas des avions de chasse de la Force aérienne belge (Composante Air), à savoir les F-16 Fighting Falcon que vous voyez survoler notre ville tous les 21 juillet, mais bien de petits rapaces qui ont élu domicile chez nous depuis déjà quelques années !
Rapaces diurnes de la famille des Falconidae qui, avec le crécerelle, forment le genre Falco, ils se divisent en un certain nombre d’espèces. On les retrouve pratiquement sur toute la planète, à l’exception des régions polaires. Dans nos régions, nous connaissons principalement le Faucon crécerelle (Falco tinnunculus) et le Faucon pèlerin (Falco peregrinus). C’est ce dernier qui nous intéresse ici tout particulièrement.
Le Faucon pèlerin est un oiseau robuste, de taille (38 à 46 cm pour les mâles / 46 à 54 cm pour les femelles) et d’envergure (90 à 100 cm pour les mâles / 104 à 113 cm pour les femelles) moyennes. Les mâles pèsent entre 600 et 750 g et les femelles entre 900 et 1300 g). Leur dos est gris foncé et le ventre est de couleur crème, avec des dessins noirs. Les joues sont blanches avec un genre de tache noire en forme de favori. Les pattes sont jaunes, le bec noir-bleuté. L’une de ses principales particularités est d’être l’oiseau le plus rapide du monde en piqué (400 km/h).
Longtemps le Faucon pèlerin fut une espèce en voie d’extinction, particulièrement du fait de la pollution au DDT. Mais depuis les années 1970, des programmes de protection ont permis à ses populations d’être à nouveau en expansion et quelques-uns d’entre eux ont décidé de nidifier en région bruxelloise. Ceci dit, le faucon ne construit pas de nid proprement dit et niche essentiellement sur des falaises, plus rarement sur des arbres, des structures et des bâtiments élevés…comme, par exemple, la cathédrale des SS. Michel et Gudule à Bruxelles !
Ce petit rapace se nourrit parfois de petits animaux terrestres, mais surtout d’oiseaux, ce qui a peut-être permis de réguler quelque peu certaines populations d’oiseaux, comme les pigeons, qui à Bruxelles, à une certaine époque, étaient devenus une véritable plaie, leurs déjections contribuant largement à la détérioration de certains bâtiments historiques ! Ceci dit, depuis leur installation à Bruxelles, au printemps 2004, ce sont 44 espèces différentes d’oiseaux qui ont été observées au menu du rapace, le Pigeon domestique, très –trop- nombreux en ville, constituant sa proie principale.
Les Faucons pèlerins s’installent à Bruxelles : la cathédrale des SS. Michel et Gudule ouvre le ballet aérien !
Photo - Pierrot Heymbeeck (avril 2017)
C’est à la fin des années 1990 que des ornithologues bruxellois de l’IRSNB (Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique) vont découvrir un couple de Faucons pèlerins hivernant sur l’une des tours de la cathédrale des SS. Michel et Gudule. Dans le but d’encourager leur nidification, ils vont placer un nichoir sur l’édifice en 2001. Les rapaces le bouderont trois ans durant, mais au printemps 2004, un couple de Faucons pèlerins s’installent sur un balcon, au sommet (50 m) de la tour Nord de la cathédrale. Début mars, la femelle pondit trois beaux œufs qui tous vont éclore.
C’est ainsi qu’en observant, fin mai 2004, les acrobaties des trois faucons juvéniles sur les gargouilles de la cathédrale, qu’est né le projet « Faucons pour tous ». En quoi consiste ce projet élaboré par l’IRSBN, en collaboration avec la Commission Ornithologique de Watermael-Boitsfort ? Il s’agit de permettre à tout un chacun d’observer au quotidien le déroulement de la nidification, d’un couple de Faucons pèlerins, grâce à deux caméras miniatures installées dans le nid, à quelques centimètres des œufs. Les images sont transmises vers des écrans, disposés derrière les vitres d’un poste d’observation installé pour l’occasion sur le parvis, au pied de la cathédrale. Ces images sont aussi visibles sur le site du programme « Faucons pour tous », du début du mois d’avril à la fin du mois de mai. Durant cette période, on peut aussi se rendre au poste d’observation installé au pied de la cathédrale pour tenter d’observer « en réel » le vol du couple de faucons et de leurs fauconneaux.
En 2016, une femelle Pèlerin, éclose en avril 2002 en Allemagne et immédiatement baguée, a pondu cinq œufs dans la tour Nord de notre cathédrale. Cette femelle est exceptionnelle a plus d’un titre :
-C’est la 11e année consécutive qu’elle niche avec succès à la cathédrale (2006-2016).
-Elle est âgée de 14 ans, alors que la longévité des Faucons pèlerins est de 17 ans.
-En 2016, elle a pondu 5 œufs, ce qui est exceptionnel en soi, mais plus encore vu son âge.
-C’est la 3e fois qu’elle pond autant d’œufs.
-A au moins deux occasions, elle a soulevé et transporté ses fauconneaux en les saisissant par la peau du cou ; ce sont là des comportement jamais observés chez les Pèlerins.
-Depuis 2011, elle niche avec un de ses fils, le mâle étant né à la cathédrale, au printemps 2008.
Au total, depuis 2004, ce sont pas moins de 45 fauconneaux qui ont pris leur envol depuis la cathédrale des SS. Michel et Gudule et onze couples de Faucons pèlerins sont aujourd’hui installés dans notre région.
Expansion des rapaces en Région bruxelloise.
- Maison communale de Woluwé-Saint-Pierre :
Dans ce cas, le Faucon pèlerin mâle est un Etterbeekois ! De fait, il est éclos, en avril 2012, dans la tour de l’église Saint-Antoine, à Etterbeek. Il nidifie depuis 2014 au sommet de la tour de l’Hôtel communal de Woluwé-Saint-Pierre. La femelle n’est pas baguée. Observé pour la première fois en direct au printemps 2016, le couple a donné naissance à quatre fauconneaux. La femelle a pondu 4 œufs dont un n’a pas éclos. Trois fauconneaux ont donc pris leur envol pour la troisième année consécutive de la maison communale de Woluwé-Saint-Pierre.
- L’église Saint-Job d’Uccle :
Photo - Pierrot Heymbeeck (2016)
Un couple de Faucons pèlerins a élu domicile en l’église Saint-Job d’Uccle. Pour la seconde année consécutive (2015 et 2016), il a mené 4 fauconneaux à l’envol. Le père est le même que l’année précédente. Il est éclos sur la cathédrale Saint-Rombaut de Malines, en avril 2012. La mère a été baguée en même temps que ces fauconneaux.
- L’Hôtel communal de Schaerbeek
Seconde année de nidification à la maison communale de Schaerbeek (2015 & 2016). La mère est la même pour les deux années. Elle est éclose en 2010 sur la tour du barrage de la Plate Taille qui domine les lacs de l’Eau d’Heure. En 2016, elle a pondu 3 œufs dont deux sont éclos. Les deux fauconneaux ont bien pris leur envol à la fin du mois de mai.
Le père est également bagué mais son code n’a pu être déchiffré.
- La Tour Reyers à Schaerbeek :
Un couple de Pèlerins était présent sur ce site mais semble l’avoir déserté, probablement après avoir constaté que l’endroit ne se prêtait pas à la nidification.
-L’église Saint-Antoine d’Etterbeek :
L’église Saint-Antoine d’Etterbeek accueille semble-t-il un Pèlerin quelque peu volage ! Né en 2005 sur une des tours de refroidissement de la centrale électrique de Vilvorde et bagué, il a d’abord niché de 2008 à 2011 sur l’église Saint-Hubert de Watermael-Boitsfort. Mais dès 2012, on le retrouve à l’église Saint-Antoine d’Etterbeek avec…une autre femelle ! Il s’agit donc là d’un cas avéré de divorce, vu qu’il a abandonné sa femelle à Saint-Hubert pour convoler avec la femelle actuelle (non-baguée) ! Celle-ci lui pondra 4 beaux œufs en 2016 dont sortiront quatre fauconneaux qui prendront leur envol au printemps de la même année.
- L’église Notre-Dame de Laeken :
Au printemps 2016, la femelle nidifiant en l’église Notre-Dame de Laeken (la même que l’année précédente), a été vue en compagnie d’un jeune mâle immature dont la bague a permis de déterminer qu’il est né en Belgique. Mauvais départ pour une ponte éventuelle ! Mais une quinzaine de jours plus tard, on voit la femelle s’afficher avec un adulte, qui a peut-être évincé le juvénile ! Qui est-il ? On ne le sait pas précisément, mais, quoiqu’il en soit, en mai les faucons ne couvent toujours pas. Pourquoi ? Tout simplement parce que la femelle n’est plus la même qu’en mars. Elle a été remplacée par une autre femelle, née aux Pays-Bas. Celle-ci n’a finalement pas niché non plus.
- L’Hôtel de Ville de Saint-Gilles :
Photo - Pierrot Heymbeeck.
A Saint-Gilles, il semble que les faucons aiment jouer à cache-cache avec les humains qui tentent de les observer ! A chaque visite, une femelle, née et baguée à Anderlecht au printemps 2014, était postée sur la maison communale de Saint-Gilles. Mais voilà, la femelle observée l’année précédente, elle, n’était pas baguée ! La femelle anderlechtoise fut parfois aperçue en compagnie d’un mâle immature, mais pas le moindre signe de nidification. De surcroît, un pigeon a pu être observé dans un aménagement préparé pour les faucons dont il est pourtant la proie favorite : mauvais signe ! Mais voilà que le 8 juin 2016, alors qu’on ne l’espérait plus, un fauconneau était photographié sur un haut bâtiment situé non loin. Celui-ci avait quitté le nid, quelques jours plus tôt. Ceci ne nous dit cependant pas où ses parents ont bien pu nicher à Saint-Gilles…
- L’église Saint-Hubert de Watermael-Boitsfort :
Le même couple de Pèlerins niche en l’église Saint-Hubert depuis 2013. En février 2016, le couple est constitué par la même femelle que les années précédentes et un mâle immature non bagué. Pas de nidification prévue donc. Mais voilà qu’au début du mois d’avril, un mâle adulte est aperçu, perché sur la croix, tout au sommet du clocher. Sa bague permet de déterminer qu’il est né dans la cathédrale, en 2011. La nidification débutera avec retard, mais la femelle pondra finalement 4 œufs et 3 fauconneaux prendront leur envol le 8 juin 2016.
- La collégiale des SS. Pierre et Guidon d’Anderlecht :
La nidification est, semble-t-il, habituellement tardive, à Saint-Guidon. Le couple de Pèlerins niche pratiquement au sommet du clocher, derrière un ornement de pierre. Pas facile d’observer les faucons dans cet endroit inaccessible ! Mais voilà qu’entre le 6 et le 8 juin 2016 apparaissent 2 fauconneaux qui tentent et…ratent leur envol ! Ils sont immédiatement attrapés, bagués, puis remontés en lieu sûr. Le père a pu être identifié : il s’agit, une fois encore, d’un fauconneau né à la cathédrale. Eclos en 2009, il avait déjà été observé nicheur à Anderlecht, en 2011 et 2012. Il est également probable que c’est lui qui a niché à la cathédrale, chaque année depuis, ce qui signifie qu’il en serait à sa septième nidification réussie. La mère n’est pas baguée.
-IT Tower à Bruxelles :
En 2016, un couple a été observé sur l’IT Tower, à Bruxelles, mais rien n’indique la trace d’une éventuelle reproduction.
-La basilique de Koekelberg :
Un couple de Pèlerins est bien présent à Koekelberg…mais il ne niche pas. La cause ? Le fait que le public peut accéder à un panorama situé au sommet de l’édifice. Si les faucons acceptent généralement la présence humaine au sol, ils ne tolèrent nullement les activités humaines en hauteur !
Eric TIMMERMANS.
Sources : http://www.fauconspelerins.be , 2017.
ACADÉMIE POUR LA DÉFENSE ET L’ILLUSTRATION DU PARLER BRUXELLOIS
ACADÉMIE POUR LA DÉFENSE ET L’ILLUSTRATION DU PARLER BRUXELLOIS (ADIPB) :
A LA POINTE DU COMBAT POUR LA SAUVEGARDE DU PARLER BRUXELLOIS
ANNONCE : Prochaine soirée de l’ADIPB, le jeudi 4 mai, à partir de 18h !
Avant de vous présenter l’ADIPB et d’évoquer l’histoire du parler bruxellois ou « brusselse sproek », je voudrais faire l’annonce suivante :
L’ADIPB organisera une soirée, le jeudi 4 mai, à partir de 18h00, en voici le programme :
- 18h00 : Accueil des participants et verre de l’amitié.
- Remise des diplômes des étudiants en « brusselse sproek ».
-Déclamations et sketches des étudiants de cette année académique.
-Nominations des nouveaux Académiciens et des nouveaux Honoris causa.
-Scènes choisies du spectacle « Les Quatre Fils Aymon ».
-20h30 : « Buffet Breughelien ».
Pour réservation, prendre contact avec le Théâtre de Toone : www.toone.be
Tout le monde est le bienvenu mais il va sans dire que si vous parlez vous-même le marollien, votre présence ne pourra qu’apporter une plus-value à cette soirée.
Mais qu’est-ce que cette « Académie pour la Défense et l’Illustration du Parler Bruxellois » et pourquoi a-t-elle été créée ?
Diversité des populations et des parlers bruxellois.
Nous avons déjà évoqué dans plusieurs textes la question du parler ou, plus précisément, des parlers bruxellois, notamment dans l’article suivant :
http://bruxellesanecdotique.skynetblogs.be/archive/2017/03/15/fontaines-de-bruxelles-8710110.html
Lorsqu’on parle de « parler bruxellois », on pense généralement à sa seule « survivance marollienne », oubliant que le parler bruxellois, une forme de brabançon thiois, a pris, au fil des siècles mais aussi selon les quartiers et les communes de l’actuelle région bruxelloise, des formes diverses, quoique semblables.
On ne parlait pas « marollien » à Etterbeek, à Laeken, au Coin du Diable, pas plus que dans le quartier bruxellois « pentagonal » (intra-muros) de Notre-Dame-aux-Neiges. Nous gardons notamment de ce passé bruxellois linguistiquement semblable mais naturellement diversifié, le souvenir de la vieille rivalité qui opposait les Marolliens à ceux de Meulebeik (Molenbeek Saint Jean eh oui !).
C’est ainsi que Jef Lawaait nous décrit la descente de ceux de Meulebeik sur les Marolles :
« Nous, les ketjes de Meulebeik, on se réunissait devant la gare de l’Ouest. On avait des bâtons. Et, dans nos mouchoirs de poche, on mettait un p’tit kilo de graviers derrière un nœud, ou deux trois pour taper plus dur. On partait en chantant :
“Waalle zaain van Meulebeik (bis)
Van de Marolle giên verveit !”
(Nous autres, sommes de Molenbeek ! Nous n’avons pas peur des Marolles !)
Arrivés dans le quartier de leurs adversaires et après avoir étanché leur soif avec divers breuvages éthyliques, ils chantaient moins fort pour entendre chanter les Marolliens et repérer ainsi leur position. Et ceux-ci chantaient à tue-tête :
« Oh, Meeke Paaipekop,
Gijft ons noch en bobantche.
Leever en gruût as en klantche,
As’ermo geneivel in es !”
(Oh ! Marie Tête de Pipe, donne-nous encore un p’tit verre. Plutôt un grand qu’un petit. Pourvu qu’il contienne du genièvre !).
Ou :
« Ce ne sont pas les moustaches
Piotche, trou la la !
Piotche, trou la la !
Qui font les bons soldats ! »
Ou encore :
« Tararaboum di hé !
A la foire, chaque été,
Les joyeux Brusseleirs
Allaient pour faire un scheir ! » (Bruxelles, notre capitale, Louis Quiévreux).
Inutile de dire que quand les deux groupes se rencontraient, c’était la castagne ! Et que les Marolliens ne manqueraient pas, un jour ou l’autre, de rendre la pareille à leurs adversaires en faisant une descente en direction du canal…
Mais les échos d’autres batailles aussi homériques qu’inter-bruxelloises sont parvenus jusqu’à nous :
Le quartier de la rue de Schaerbeek, dont le caractère populaire bruxellois a disparu depuis des décennies « a joué un rôle glorieux dans les batailles inter-bruxelloises dont les derniers échos s’éteignirent après la guerre de 1918. Pendant que les Marolles allaient infliger des tripotées aux Saint-Gillois de la rue Vloegaert et de la Walloeizepoot (impasse aux Punaises), les Laekenois descendaient souvent rue de Schaerbeek. Un ancêtre du quartier, depuis longtemps décédé et qui répondait à l’harmonieux sobriquet de Den Houte Kop (La Tête de Bois), a raconté à M. Koopman comment, un jour, les Laekenois, précédés de quatre clairons, furent reçus par des casseroles d’eau bouillante jetées par les dames de céans qui n’avaient pas oublié l’exemple donné par leurs aïeules pendant la révolution de 1830 ! Parfois, c’était la rue de Schaerbeek qui, en bataillons serrés, se lançait à l’assaut des retranchements laekenois, tandis qu’une colonne partie des bas-fonds, allait provoquer dans ses repaires la toute puissante Marolle. Excepté quand il s’agissait de se battre, la population ne sortait pas de ses limites. » (Ibid.).
Un Vieux Bruxelles populaire aux parlers et aux habitudes semblables, certes, mais néanmoins plus diversifié qu’il n’y paraît de prime abord. Diverses évolutions linguistiques, sociologiques, démographiques allaient toutefois vont faire du marollien l’ultime survivance de l’ancien parler bruxellois.
Le marollien, ultime héritage du « brusselse sproek ».
On le sait, le bruxellois thiois, en tout cas celui des Marolles, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est pétri de termes, d’expressions et de tournures qui ne sont pas forcément thioises, ni même germaniques et sont souvent d’origine française (voire d’autres origines, espagnole, hébraïque, etc.). Les idiomes brabançons thiois particuliers des quartiers bruxellois non-marolliens et des territoires actuellement bruxellois situés hors du Pentagone (deuxième enceinte de Bruxelles) ont disparu, au fil du temps, sous la double pression de la francisation et de la flamandisation/néerlandisation des populations bruxelloises. C’est donc le marollien qui a subsisté et qui apparaît aujourd’hui comme la référence essentielle en matière de parler bruxellois : le brusseleir ou, plus précisément le Brusselse Sproek.
Les origines du bruxellois marollien sont très anciennes. Il dérive du francique, un dialecte germanique occidental. La langue ou, plus précisément, les nombreux idiomes populaires parlés dans l’ensemble des anciens Pays-Bas (grosso modo, le Benelux et le Nord-Pas-de-Calais) depuis la colonisation franque du 3e siècle étaient placés sous l’appellation de dietsch, duutsch ou diets, qui en français se dit « thiois » (pron. : « tiwa »). Mais dès le 16e siècle, cette appellation « thioise » va se voir supplanter par celle de vlaemsch, vlaams, vloms, « flamand » en français.
Ce terme, qui désigne tous les parlers thiois du nord de la France et du nord de la Belgique (voire, pour certains, du sud des Pays-Bas catholiques, mais c’est là une thèse très nationaliste…) prête toutefois à confusion. DE fait, il ne permet pas de distinguer les parlers « flamands » de Bruxelles et du Brabant, de ceux de feu le comté de Flandre (les actuelles provinces belges de Flandre orientale et de Flandre occidentale, de même que la Flandre française). Si, en français, le terme « flandrien », qui désigne précisément ce qui est de Flandre proprement dite, permet d’opérer une distinction avec le reste de l’espace « flamand », en néerlandais, cette distinction se révèle bien plus difficile à réaliser. Aussi, pour désigner les parlers de Bruxelles et du Brabant, préférons-nous évoquer le brabançon thiois ou le bruxellois thiois.
Au fil des siècles, le marollien thiois a été largement influencé par d’autres langues. D’origine francique donc, il fut très tôt influencé, sinon par le français, au moins par les parlers romans ou/et wallons. L’aire géographique du marollien fut de tous temps très restreinte. Cet idiome serait né vers le 15e siècle « aux alentours du couvent des Sœurs de Marie, dites Sœurs Mariolles ou Marolles, entre la rue Haute et la rue aux Laines, quartier où étaient venus s’installer de nombreux ouvriers hennuyers appelés à Bruxelles pour travailler à la construction d’églises et de demeures patriciennes. C’était un mélange de flamand et de wallon. Mais ce langage des Marolles, parlé dans un secteur très peu étendu, à l’est de la rue Haute, a peu à peu perdu son apport wallon, pour redevenir du simple flamand populaire » (« Jef Kazak » / Jean d’Osta) possédant toutefois quelques particularités linguistiques qui nous fait préférer le terme « thiois » au terme « flamand », comme nous l’avons dit.
Au cours de l’Histoire, divers langages influenceront le brusselse sproek des Marolles mais, nous venons de le voir, le wallon ne sera pas à l’origine de la francisation ultérieure de ce parler marollien. Les traditions et les parlers populaires du Bruxellois thiois, sauront se maintenir vivaces jusqu’à la première guerre mondiale, mais dès après 1918, le déclin qui s’amorce ne cessera plus de s’accélérer : en quelques décennies, le « monde marollien d’hier » va pratiquement disparaître.
1914-1918 : les anciennes traditions populaires bruxelloises balayées par la guerre.
Au lendemain du premier conflit mondial, ce déclin semble frapper les cultures populaires dans pratiquement toute l’Europe. Nombre de folklores, de traditions, de réflexes culturels, ont été emportés par la grande boucherie industrielle de 14-18. Que sont, en effet, les bagarres inter-bruxelloises de jadis, en comparaison des charges sous les mitrailleuses, des attaques aux gaz et des hécatombes qu’elles provoquèrent ? Qu’est-ce qu’une rivalité de quartier à côté de la fraternité des armes qui a peut-être rapproché certains adversaires de jadis ? Que sont ces jeux, ces fanfares, ces processions religieuses, émanations d’une Eglise qui, en toutes les langues, clamait « Got mit uns » en faveur de toutes les mitrailles nationales, sinon les jouets d’un univers révolu qui apparaît désormais quelque peu candide, voire naïf ?
La première guerre mondiale a fait perdre à l’Europe une certaine innocence et, de toute évidence, bien plus que cela. La grippe espagnole de 1918-1919 (bien plus meurtrière que la guerre elle-même : 50 à 100 millions de morts), qui frappera indifféremment hommes, femmes et enfants (alors que les hommes constituaient la majeure partie des victimes de la guerre), va parachever le désastre.
Vint l’entre-deux-guerres. Certes, l’épreuve dont on sortait s’était révélée apocalyptique mais c’était la « der des der » : plus jamais il n’y aurait de guerre après une horreur pareille ! On tentait de s’en persuader et de ne pas remarquer les sombres nuages qui s’accumulaient à nouveau dans le ciel européen en Russie, en Allemagne, en Espagne… Et pour oublier, rien de tel que de nouveaux loisirs ! Nouvelles musiques, nouvelles danses, music-hall, cinéma, radio allaient bientôt se lancer à leur tour à l’assaut des vieilles traditions populaires. Les habitudes changèrent. On commença à rêver vacances à la mer, voyages, Amérique… Ce bouleversement des habitudes et des mœurs fut d’importance dans un univers populaire où les loisirs étaient rares, et ce même si les nouvelles mœurs n’étaient pas forcément, loin s’en faut, à la portée de toutes les bourses…
Le théâtre de marionnettes, dernier refuge du parler populaire bruxellois.
Parmi les loisirs d’antan, il en existait un, particulièrement répandu et populaire : le théâtre de marionnettes. Durant longtemps, le « bas-peuple » n’eut pas le droit de « souiller » de ses sabots et de ses godillots, les tapis rouges des « grands théâtres » pour nantis. Cette pratique semble toujours de mise dans certaines « grandes salles », qui interdisent l’entrée à des personnes bénéficiant de réduction sur les billets, pour raisons sociales, et ce sous-prétexte qu’il n’y a plus de place vacante, alors que les meilleurs sièges restent libres mais sont réservés à des cadres de sociétés…que l’on ne voit jamais, soit…
Le théâtre de marionnettes était donc le théâtre du populaire. On y usait du parler populaire, bien évidemment, et il n’était pas rare que le public devienne participant, parfois même de manière quelque peu envahissante, lorsque, par exemple, la scène se voyait bombardée de coquilles de caricoles et qu’à destination des marionnettes et des marionnettistes fusaient des invectives et des éructations avinées ! Il fallait alors rétablir l’ordre, manu militari ! Quand on pense aux regards effarés que vous lancent aujourd’hui certains touristes lorsque, lors de la présentation du spectacle, avec deux trois Gueuzes et Orval dans le nez, il est vrai, vous osez une petite plaisanterie et que vous applaudissez, comme il se doit, à chaque scène, on se dit que l’eau a décidément coulé sous les anciens ponts de notre bonne vieille Senne !
Dans les Marolles, un théâtre de marionnettes sut s’établir et se faire apprécier sur le long terme : le Théâtre de Toone. Apparu vers 1830 sous l’impulsion d’Antoine Genty –Toone I-, le Théâtre de Toone est resté dans le quartier des Marolles de 1830 à 1963. Le dernier marionnettiste à avoir exercé son art dans le quartier est Pierre Welleman « Toone VI », alias « Peïe Pââp » (« Pierre à la pipe »). Mais il devra, durant ces difficiles années (1937-1963), maintenir son théâtre debout contre vents et marées ! Et il rencontrera bien des écueils… Lorsque Toone VI reprend le flambeau, le théâtre de Toone souffre du changement des mœurs que nous avons déjà évoqué : le cinéma et la radio commencent à le miner.
Pourtant, 33 ans durant, Pierre Welleman anime chaque soir son théâtre de marionnettes, avec l’aide de son épouse, Marie, et de leurs quatre fils, Eugène, Jean, Gustave et Alphonse. Durant la deuxième guerre mondiale, l’occupant nazi veut d’abord déporter les marionnettes pour les germaniser avant de tenter de les anéantir à l’aide d’un V1, alors qu’elles reposaient tranquillement dans leur théâtre de l’impasse de Varsovie : 75 marionnettes disparaissent dans le sinistre ! Toone VI doit partir et rejoint, avec sa troupe de bois, le théâtre de la rue Notre-Dame-de-Grâce, en fait une ancienne écurie transformée en dépôt de charrettes…
Au début des années 1950, le public s’intéresse de moins en moins aux marionnettes qui n’attirent plus désormais que les jeunes enfants et quelques curieux. Nouveau déménagement en octobre 1956 au Lievekenshoek. La modernité, à grands coups de progrès factices, poursuit ses ravages et Toone VI doit désormais faire face au déferlement de la télévision, des sports de masses, des voitures, du caravanning… Le public se détourne définitivement des marionnettes. En mars 1963, Pierre Welleman, âgé et malade, jette l’éponge. Après 133 ans, l’aventure de la dynastie Toone aux Marolles prend fin.
Ce déclin des marionnettes de Toone aux Marolles est révélatrice de l’évolution de tout un quartier. Le 19 février 1952, Toone VI crée la « Farce de la Mort qui faillit trépasser ». A cette occasion, il sera couronné « Roi des Marolles » (rue Haute n°205, à l’époque, au cinéma Rialto) et Michel de Ghelderode rendra un hommage à tous les Toone, intitulé « Toone, Rex Marollorum ». A peine onze années plus tard, le « Roi des Marolles » doit fermer ses portes, contraint, au mieux, à l’exil, au pire, à la disparition pure et simple. Les Marolles, ultime citadelle du parler bruxellois, avec la fermeture du Théâtre de Toone, perdent leur donjon et leur souverain…
Les Marolles assiégées.
Désormais, les heures des anciennes Marolles semblent comptées. Mais les Marolliens n’ont pas dit leur dernier mot. En 1969, six ans après la fin de Toone aux Marolles donc, intervient un événement qui, avec le recul historique, apparaît comme un superbe baroud d’honneur…ce qui n’exclut pas, loin s’en faut, une efficacité certaine ! L’un des pires ennemis du quartier est, depuis sa construction, le bâtiment mégalomaniaque du Palais de Justice de Bruxelles réalisé par le schieven architek (litt. : « l’architecte tordu ») Poelaert, au 19 e siècle.
Le géant a déjà écrasé sous son poids une partie du quartier des Marolles ou, plus précisément, de la Marolle. Habituellement, on place sous le vocable « Marolles » (au pluriel), le quartier qui s’étend de la Porte de Hal à l’église Notre-Dame de la Chapelle, mais tout le monde n’est pas d’accord avec cette définition, d’où l’idée de limiter le quartier à quelques rues incluant notamment la rue de Montserrat, situé à proximité du Palais de Justice. On dit alors « op de Marolle » (litt. : « sur la Marolle »), au singulier et non « aux Marolles ».
http://bruxellesanecdotique.skynetblogs.be/archive/2009/01/28/la-bataille-de-la-marolle.html
En 1969, le fantôme de Poelaert semble vouloir poursuivre son œuvre d’anéantissement de la Marolle. De fait, il est question de démolir ce quartier afin de permettre l’extension du Palais de Justice. On se prépare donc à exproprier la population, mais celle-ci décide de résister : les Marolliens veulent rester dans leur Marolle ! Confronté à la cohérence, l’unité, la solidarité d’une communauté soudée, le pouvoir politique doit céder : la Marolle ne sera pas démolie ! Un film, La « Bataille des Marolles », sera réalisé, en 1969, par Pierre Manuel et Jean-Jacques Péché. La bataille de la Marolle, pour avoir été une victoire, ne fera finalement que reculer les échéances : vingt ans plus tard, les habitants de la Samaritaine subiront des expulsions de masse ; des relogements seront réalisés, mais il n’en n’est pas moins vrai que la population des Marolles a changé et que la cohésion communautaire n’y apparaît plus aussi forte qu’autrefois.
Des années 1920 aux années 1980, le quartier des Marolles a fondamentalement changé linguistiquement, sociologiquement, démographiquement, c’est sans appel : « Quant aux autochtones ou echte Brusseleirs, il y a longtemps que la plupart d’entre eux se sont francisés, soit totalement, soit partiellement. On peut affirmer qu’il n’y a plus aujourd’hui à Bruxelles que quelques centaines de « bruxellophones unilingues », c’est ce que nous disait Jean d’Osta, en 1983, précisant au passage qu’il s’agissait, pour la plupart, de gens âgés. Aux côtés de ces « bruxellois unilingues », on peut évidemment ajouter quelques Bruxellois francisés, mais aimant, lorsqu’ils en ont l’occasion, parler l’idiome de leurs ancêtres. Face aux réalités du monde moderne, ils semblent toutefois également condamnés à la disparition.
Sous la triple pression de la francisation, voire d’une part de néerlandisation/flamandisation (résultant des conflits communautaires belges), du bouleversement démographique du quartier (résultant de l’apport dans le quartier d’une importante population étrangère, notamment non-européenne) et de la « sablonisation » (alignement sur les standards luxueux du Sablon, déjà bien en cours dans le tronçon de la rue Haute comprise entre l’église Notre-Dame de la Chapelle et la place du Jeu de Balle) ou « gentrification » (au point de vouloir éliminer le nom des Marolles ou de la Marolle, jugé trop populaire, au profit de celui de Breughel…qui était pourtant lui-même un peintre populaire, aimant notamment les fêtes campagnardes !), la mémoire marollienne se meurt et son parler particulier semble voué à la disparition complète.
Toone VII le Continuateur et Louis Quiévreux le Visionnaire.
Disparition complète, dis-je ? A voir ! En 1963, Toone VI doit, nous l’avons vu, jeter l’éponge. Certes. Mais un certain José Géal va reprendre le flambeau sous le nom de Toone VII. Il va s’installer au cœur du Pentagone et maintenir une certaine tradition populaire bruxelloise grâce aux marionnettes (dont une centaine ont été sauvées de la liquidation par Jef Bourgeois, grand soutien et ami du Théâtre de Toone). S’il a été largement francisé, ne fut-ce que pour être compris des nouvelles générations, le brusselse sproek, préservé par les Marolliens jusqu’à ce jour, pourrait bien renaître de ses cendres grâce à certains « Anciens » et à une nouvelle génération, prête à recueillir l’héritage, notamment sous la direction de Nicolas Géal, alias…Toone VIII. Nous y reviendrons.
A l’origine de cette idée, un auteur, folkloriste et journaliste du nom de Louis Quiévreux (1902-1969). C’est le 15 mai 1902 que naquit, à la frontière d’un quartier de Bruxelles alors surnommé le « petit Manchester » et d’un autre appelé « Bruxelles-Maritime », Louis Quiévreux, fils d’une corsetière et d’un militaire de carrière, capitaine d’infanterie, Joseph Quiévreux. Francophones, ses parents l’inscrivent dans une école primaire néerlandophone, ce qui fournira au futur journaliste, une excellente base pour aborder ultérieurement l’étude du parler bruxellois, dont nous avons dit qu’il fut notamment véhiculé par un folklore et une littérature théâtrale (le théâtre de marionnettes, mais aussi Le Mariage de Mademoiselle Beulemans, en 1910, et Bossemans et Coppenolle, en 1938). Sorti de l’Ecole Normale, Louis Quiévreux s’oriente bien vite vers le journalisme. Européen convaincu, on le retrouve anglophile et admirateur de Shakespeare, parlant allemand et travaillant pour Radio-Munich, particulièrement érudit en matière de flamenco et de guitare espagnole.
Mais voilà qu’une nouvelle guerre éclate et, en 1940, Louis Quiévreux entre en résistance contre l’occupant nazi. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, et ce dès 1947, Louis Quiévreux devient un écrivain prolifique. Il écrit une douzaine d’ouvrages, tient une chronique , rédige des billets… Les passionnés du Vieux Bruxelles, eux, ont surtout retenu le titre d’un livre qui constitue pour eux une véritable bible de la tradition bruxelloise : « Bruxelles, notre capitale » (1951). Personnellement, cet ouvrage m’a guidé dès le début de mes recherches sur Bruxelles et jusqu’à aujourd’hui.
Louis Quiévreux nourrissait aussi le rêve que soit créé un jour une association –une académie, selon ce mot qui lui était cher- pour la sauvegarde du parler bruxellois. Il s’en était ouvert dans les colonnes du magazine « Pourquoi pas ? » et a d’ailleurs écrit, en 1951, un Dictionnaire du dialecte bruxellois ( http://www.humoeurs-bruxelloises-brussels-zwanze.com/diskionnaire-eacutetymologique-brusseleir/category/louis-quievreux/4 ). Il ne pourra toutefois jamais réaliser son rêve, avant son décès intervenu en 1969, l’année même de la bataille de la Marolle.
Durant vingt ans, le projet resta dans les cartons ou, plus précisément, dans certains esprits : le rêve de Louis Quiévreux semblait bien ne jamais devoir aboutir. Mais en 1989, année durant laquelle des Marolliens furent expulsés de la Samaritaine et où, le président serbe Slobodan Milosevic prononça son discours sur la bataille de Kosovo (1989), discours qui allait bientôt enflammer ce qu’on appelait encore à l’époque la « Yougoslavie », une jeune Kosovare du nom de Tefta Ahmetaj, résidant à Bruxelles, sollicita un entretien avec un responsable du Théâtre de Toone. C’est là que commença l’aventure de l’A.D.I.P.B.
L’Académie pour la Défense et l’Illustration du Parler Bruxellois (ADIPB).
Tefta Ahmetaj, recommandée par Simon-Pierre Nothomb, président de l’Agence Linguistique Européenne, rencontre donc au Théâtre de Toone, Mme Andrée Longcheval, conservatrice du Théâtre de Toone et soucieuse de la sauvegarde du parler bruxellois. La jeune femme, collaboratrice de M. Nothomb, fait ainsi part de son égal souci de préserver le parler bruxellois de la disparition. Dès lors, Mme Longcheval et José Géal « Toone VII », « Citoyens d’Honneur de la et des Marolles », vont favoriser les rencontres au Théâtre.
Parmi les personnes qui se presseront au Théâtre de Toone pour réaliser le vieux rêve brusseleir de Louis Quiévreux, outre Mme Longcheval et Toone VII, on compte :
-François Stevens, bourgmestre et président de la Commune Libre des Marolles ;
-Jean d’Osta (alias « Jef Kazak ») ;
-Jean-Pierre Vanden Branden, alors conservateur de la Maison d’Erasme et du Vieux Béguinage d’Anderlecht, et également président de l’association du Théâtre de Toone ;
-le peintre Raymond Goffin ;
-Simon-Pierre Nothomb, accompagné de ses collaboratrices, Tefta Ahmetaj et Bérengère Deprez ;
-Le Professeur Marcel Van Hamme, historien de Bruxelles, avec lequel Mme Longcheval réalisera une étude sur les « Vieux estaminets bruxellois » ;
-Louise Claessens et son époux Oscar Starck, alors administrateurs de l’ASBL « Les Amis du Vieux Marché ». Ensemble, en 1988, ces deux Bruxellois de souche, ont rassemblé 6000 mots marolliens et les ont traduit en français.
D’autres encore viendront s’ajouter à ces Bruxellois de souche ou de cœur, dans le but de défendre l’héritage linguistique de notre ville.
Il est décidé que Mme Claessens prendra la présidence de l’association pour la Défense et l’Illustration du Parler Bruxellois. L’idée d’adopter cette dénomination vient de Simon-Pierre Nothomb qu’inspire Joachim du Bellay (1522-1560), auteur d’une « Défense et Illustration de la langue française ». Mais, au fait, ne devrait-on pas plutôt parler d’ « académie » plutôt que d’ « association » ? Louis Quiévreux chérissait cette idée, mais certains rechignent. Pourtant, le parler bruxellois vaut bien une académie ! Qu’à cela ne tienne, la conservatrice, Mme Longcheval va trancher en faveur du nom qu’appelait de ses vœux Louis Quiévreux. Ainsi naquit, au mois d’octobre 1989, au Musée de Toone, l’Académie pour la Défense et l’Illustration du Parler Bruxellois (ADIPB) !
A la fin des années 1980, le parler bruxellois est clairement menacé de disparition pur et simple. Comment pourrait-il en être autrement ? Depuis des décennies, il est en proie à l’hostilité de ceux qui prétendent former les élites de demain. Les tournures de phrases et l’accent bruxellois sont également pourchassés par le réseau d’enseignement :
« Louise Claessens évoquera le combat mené dans sa jeunesse par les enseignants à l’encontre du dialecte bruxellois qu’elle-même comme tant d’autres enfants pratiquait. Notre parler local était considéré comme une tare ! La génération suivante dont je suis, se souvient très bien du blâme adressé aux élèves qui connaissaient le dialecte, dans l’enseignement francophone des Ecoles de la Ville de Bruxelles. C’était cependant ces jeunes en possession du dialecte qui maniaient avec le plus de facilités la syntaxe de la langue de Vondel [ndr : le néerlandais, enseigné, au côté du français, dans les écoles bruxelloises] » (Andrée Longcheval).
Simple association de fait au départ, l’ADIPB acquiert le statut d’ASBL (Association Sans But Lucratif) en 1990. La réunion constitutive se déroulera dans une salle située à l’étage du restaurant « Le Parnassos » (anciennement situé rue au Beurre). Outre la sauvegarde du parler bruxellois, l’ADIPB se donne pour objectif d’étudier l’origine du parler bruxellois à travers l’Histoire et les traditions populaires de Bruxelles et de sa région. Dès la même année, l’Académie publie un périodique trimestriel intitulé Le Parler Bruxellois / Dem Brusselse Sproek
L’ADIPB élargit son cercle à 39 académiciens. Sous l’impulsion de sa présidente, les académiciens rassemblent les éléments nécessaires à la création d’un dictionnaire. Et pour doter le langage marollien d’une base syntaxique, les mêmes auteurs vont réaliser une grammaire. Des cours de bruxellois sont donnés et sont couronnés de diplômes. Un CD-Rom sera même réalisé sous le titre Bruxelles des Bruxellois. L’ADIPB nomme aussi des académiciens honoris causa, titre qui récompense des personnalités qui promeuvent la ville et sa langue régionale.
Madame Louise Claessens s’est éteinte le 30 mars 2007 après 18 années d’un retraite active, consacrée au développement de l’Académie. Et celle-ci a poursuivi son aventure jusqu’à nos jours.
Le bargoensch, un autre parler bruxellois.
Qui parle ou même comprend encore le bargoensch à Bruxelles, de nos jours ? Certains anciens Marolliens eux-mêmes s’interrogent aujourd’hui sur la nature exacte de cet idiome pratiquement éteint. Personnellement, j’en ai retrouvé la trace dans un ancien numéro du Folklore brabançon qui avait publié un glossaire de bargoensch. Je ne suis plus en possession de cet ouvrage, mais j’en ai toutefois conservé les références : « Glossaire d’argot bruxellois (« Burgonsch» ), Paul Hermant, Le Folklore brabançon n°73-74, 13e année / 1933-1934, p. 53-92.
Bien heureusement, Jean d’Osta, alias Jef Kazak, vient, une fois de plus, à notre secours ! Qu’on le nomme burgonsch, bargoensch ou boergonsch, il s’agit d’un argot bruxellois, le parler très hermétique des voleurs et des mauvais garçons, que l’on parlait tant à la rue Haute que dans les Bas-Fonds ou à Molenbeek. Au début des années 1980, Jean d’Osta nous dit que ce parler est éteint depuis un siècle au moins. Quant à l’origine du mot « bargoensch », on se perd en conjectures. Peut-être s’agit-il d’un dérivé du mot « baragouin », à moins qu’il ne s’apparente au mot « bourguignon » (rapport à l’époque des ducs de Bourgogne, 15e siècle ?).
L’unique document écrit que le bargoensch nous a laissé, « est une phrase proférée sur l’échafaud en 1852 par un bandit du nom de Rik Mol à l’adresse d’un complice dissimulé dans la foule, -phrase qui fut transcrite phonétiquement par le greffier : Kneul, maast kiewig ! Michels fokt naar de lange doomerik. Flikt d’ander kneule kiewig veur michels. De poon maast in de keete, in den dieperik bij den trederik, onder nen berterik in nen houten trafalkerik. Bekt et boeist er grandig mee met de kieweriken.” Phrase qui semble signifier : “Ami, sois brave ! Moi je pars pour le long sommeil. Salue les autres amis bravement pour moi. L’argent est à la maison, dans la cave, près de l’escalier, sous une pierre dans un sabot de bois. Mangez et buvez-en joyeusement, avec les braves ! »
Certains mots du brusselse sproek proviendrait du bargoensch :
-Poon : argent.
-Tof : amusant, sympathique (sans doute à l’hébreu mazel tov). Ex. : « Eh ben, ça c’est vraiment tof, zenne ».
-Maft : fou. Ex. : Mais il est complètement maft celui-là !
-Kneul : garçon.
-Kastar : costaud, fort, un type qui ose. Ex. : « Celui-là c’est un kastar ! »
-Trut : mégère mais aussi « idiote ». Ex. : « Mais quel trut celle-là ! ».
-Bikken : manger.
Eric TIMMERMANS.
Sources : « Bruxelles, notre capitale », Louis Quiévreux, PIM-Services, 1951, p. 120-121, 277-278 / « Les flauwskes de Jef Kazak », Jean d’Osta, La belgothèque/Paul Legrain, 1983, p. 7-10, p.21-23 / www.lesmarolles.be / Historique de l’ADIPB par Mme Andrée Longcheval, http://academiebruxelloise.skynetblogs.be/blog/ / www.toone.be / http://europemaxima.com/louis-quievreux-1902-1969-bruxellois-et-europeen-par-daniel-cologne/